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vendredi 5 juillet 2024

« La radicalité de LFI interdit d’aller chercher des électeurs modérés » (Le Monde) ou les fariboles droitières des journaux de Centre gauche

 LFI n’a rien de radical mais porte un projet social démocrate somme toute assez modéré.

 Les + vieux se souviennent que le programme de 1981 par ex était nettement plus à gauche que celui de LFI

 

Ce n'est pas la radicalité qui empêche le RN d’aller chercher des électeurs et d’imposer son hégémonie idéologique mais au contraire sa radicalité raciste qui le lui permet mais le terme radicalité ne lui est jamais opposé

 

La radicalité supposée est l’argument d’éternelle opposition à la gauche. On ne demande jamais à la droite de ne pas être radicale (elle et ses politiques le sont, matériellement) et pour cause, l’antiradicalisme ne sert qu’elle, ne sert qu’à empêcher la gauche d’être de gauche.

 

La dénonciation du radicalisme est une injonction à se rallier à l’hégémonie de droite.

 

Quand vous entendez parler d’apaisement, dressez l’oreille. De qui est-il question ? Qui doit on apaiser ? Les racistes ? Les exploiteurs ? Les masculinistes ? Les homophobes ?

 

Il fallait apaiser La Manif Pour Tous! A quoi cela a-il conduit ? 

=> Raboter l’ouverture des droits, re-légitimer l’homophobie, permettre à une génération de fachos de s’ouvrir les plateaux médiatiques, d’y faire ses armes. Ceux qui y sévissent aujourd’hui au service de l’extrême-droite et du racisme .

jeudi 16 mars 2017

LGBT à l’honneur et honneur des LGBT



En 2017, la réception à l’Elysée de représentants associatifs LGBT est une information.
Tel est le premier constat et il n’honore personne.

Il montre qu’en dépit des avancées et des oppositions, les luttes des associations et des activistes et militants gays, lesbiennes, bi, trans et intersexes demeurent tout sauf banales.

Il faudrait donc d’une certaine façon rendre hommage à François Hollande de ce geste qu’il adresse à la fois à ses convives et à la société dans son ensemble ?

Seulement voilà, cette invitation souligne par sa dimension exceptionnelle, son caractère problématique.

Car, dans la mesure où c’est la loi de la République que de s’incarner à travers des symboles et du cérémonial et l’une des fonctions du Président que de figurer dans la dimension une et indivisible de la République le rassemblement en son sein de toutes ses composantes, une telle réception ne devrait pas attirer l’attention plus qu’une ligne parmi d’autres dans un agenda élyséen. Et sa fréquence ne devrait pas trancher avec la régularité de rendez-vous qui réunissent d’autres corps intermédiaires de la société civile.

Or qui pourrait nier que ce soit pour s’en réjouir, s’en gausser, la critiquer, la mépriser ou s’y opposer, que cette réception de vendredi garde un aspect événementiel ?

Bref, depuis 5 ans que François Hollande préside, les militants pinky les plus institutionnels auraient déjà dû se fondre sans plus ni moins de grâce qu’un pot de fleur hétéro et cis dans la mare aux canards des Garden Party juillettiste.

Ce qui m’amène assez naturellement au calendrier.

Les militants LGBT, qui sont par définition, relativement familiers de la notion de retournement du stigmate, ne pourront qu’apprécier combien François Hollande emprunte à une méthode qui n’en est pas au fond très différente.

Car de quoi faudrait-il en fait le créditer, si ce n’est de transformer en vertu une action qui vaut en grande partie pour ce qu’elle tranche avec l’absence qui la précède.

Jusqu’au dernier brin, François Hollande usera de la ficelle de l’éternelle virginité de la gauche par opposition à ses prédécesseurs et à la droite.

Et ses rejetons (dont on ne sait d’ailleurs toujours pas lesquels font office d’héritiers en attendant que le suffrage donne l’onction) ont retenu la méthode qui font de même, s’exonérant chacun à leur façon de rendre des comptes de la part qu’ils ont pris au bilan quinquennal.

Voilà donc les LGBT conviés au bal des entrants à l’Elysée, à chausser les pointes pour, à leurs propres objectifs défendant, être les protagonistes de quelques ultimes pirouettes à gauche prétendant faire oublier que le cavalier est sortant.

C’est le sort des minorités politiques pour qui la porte est étroite dans la lutte pour faire valoir la dignité de leurs vies comme la justesse et la nécessité de leurs engagements contre les violences et les haines recuites.

Coincées entre l’acceptation de reconnaissances qui leur sont dues et ont été arrachées du fait de leurs combats et les instrumentalisations des politiques cherchant à inverser l’humilité d’hommages qu’ils doivent en mérite et espoirs à-valoir dont il faudrait leur être redevables.

Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler la visite du Président au chevet de Théo Luhaka le 7 février dernier à l'hôpital d’Aulnay-sous-Bois, quand dans le même temps sa majorité parlementaire non contente d’avoir renié ses promesses de campagne vote en dernière loi de son exercice un élargissement inique de la légitime défense.

Sortir du complexe de Cendrillon, c’est rappeler que la politique est un rapport de force dans lequel les minorités n’obtiennent d’avancées qu’à condition de refuser d’entretenir la geste dans laquelle c’est le politique qui honore.

C’est rappeler qu’ils sont acteurs au sens d’agissants et non pas seulement de représentation.

Rappeler que cette invitation à l’Elysée est le fruit d’une histoire et d’affrontements.

Ce quinquennat ne déroge pas à cette règle. Il suffit de contextualiser le calendrier des réceptions par le Président de la République.

Ce sont les porte-parole de l’Inter-LGBT reçus suite à la manifestation de militants devant Solferino en réaction à François Hollande envisageant de soumettre nos droits à une clause de conscience.

Ce sont des représentants de l’Inter-LGBT, du Centre gai et lesbien d’Ile de France et de SOS Homophobie reçus au moment précis où la communauté décide de remettre en question frontalement le bilan du gouvernement sur les questions LGBT et de ne pas permettre que celui-ci en impose sa version.

Ce sont des représentants reçus ce vendredi à quelques semaines des élections présidentielles et législatives.
Dernière tentative de redorer à peu de frais le bilan de cinq années qui auront vu les gays, lesbiennes, bi, trans et intersexes subir un backlash de violences largement nourri par les instrumentalisations, atermoiements et renoncements des gouvernements Hollande et qui voit les héritiers au mieux resservir les mêmes promesses qu’en 2012 avec moins encore de garanties de les tenir et des copiés-collés de déclarations hollando-vallsiennes sur la nécessité de ne pas heurter ceux qui nous violentent.

On notera aussi que cette réception intervient à deux jours de l’organisation de la seconde Marche pour la Justice et la Dignité.1

Une marche à l’appel des familles victimes de violences policières qui intervient dans un contexte où la radicalisation autoritaire et anti-sociale de la politique du gouvernement et l’extension des violences institutionnelles ont conduit à des mobilisations collectives et des rapprochements entre activistes et militants de divers fronts (état d’urgence, loi travail, soutien à la famille d’Adama Traoré, à Théo Luhaka, 8 mars …).

Une solidarité en marche, une coalition des minorisés et une ébauche de repolitisation collective autonome que le gouvernement attaque de toutes ses forces.
Et notamment par la voix de Gilles Clavreul, son Préfet, Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et hop, depuis moins d’un an à la lutte contre la Haine anti-LGBT (DILCRAH2) , c’est-à-dire, tiens donc, depuis que le gouvernement a compris que l’ouverture du mariage ne lui garantissait plus bilan choupi-choupi.

Attardons-nous quelques instants d’ailleurs sur l’intitulé et le vocabulaire choisis du carton d’invitation qu’ont reçu les impétrants.

On notera bien sûr que la formule évite soigneusement toute mention d’une quelconque forme de lutte, de politisation, de militance et évidemment de communauté.

Mais on enregistrera aussi que si le Président de la République invite « des actrices et des acteurs engagés contre la haine et les discriminations anti-LGBT », avec un "des" qui est article partitif (ce qui signifie donc qu’il invite une partie de ces acteur.e.s. engagés), en réalité sur le carton, il a été choisi d'écrire « en l'honneur des actrices et des acteurs » avec un "des" qui lui est un article défini (c’est-à-dire l’outil de la détermination complète). En conséquence de quoi, en bon français, l'Elysée prétend définir qui sont les acteur.e.s de ces luttes.

Qu’il y ait choix des invités c’est de bonne guerre et que ce choix se fasse, en priorité, en privilégiant plutôt les moins critiques aussi.

Par contre un mouvement qui se veut autonome se doit à minima de dénoncer qu'il y a eu tri et la dimension politique de ce tri, sauf à s’en arranger et accepter de servir des intérêts qui sont ceux du politique et non ceux des LGBT.

Il y aurait à s’inquiéter aussi que ce tri en indique un autre à venir (prévisible ?) : à savoir que les financements de projets relevant de la DILCRAH aient été attribués non pas en fonction de leur utilité mais avec cette même grille idéologique inversement proportionnelle à l’indépendance politique.

Pour le reste que l’Elysée fasse de la politique, c’est la moindre des choses. C’est pourquoi d’ailleurs, veillant à ne pas verser dans une caricature, quelques invitations ont été adressées à des représentants qu’on ne peut soupçonner de complaisance. En revanche, on aura bien compris qu’ils seront très minoritaires.

Je n’ironiserai pas plus qu’en passant sur le fait qu’il semble que quelques invitations se soient égarées dans l’espace sidéral du net. Qu’on apprenne alors qu’Alice Coffin questionne la légitimité du tri effectué et s’en émeut, que ce sont celles d’Act Up et de l’AJL qui ne sont pas parvenues à leurs destinataires est sans doute pur hasard.

J’ajouterais, pour être très claire, que la question n’est pas de savoir si les structures et personnes « oubliées » y seraient allées ou pas.

En fait d’ailleurs, cette question de se rendre ou pas à l'Elysée ne me semble que de très peu d’intérêt à partir du moment où elle n’est pas posée en termes politiques et collectifs et de faire savoir.

Un boycott collectif argumenté et médiatisé, aurait eu un sens. Y aller peut en avoir aussi : porter des paroles silenciées, interroger le tri, contrecarrer le bilan tout positif qu'on veut vendre à l'opinion publique et rappeler que l'honneur des activistes n'a pas attendu que l'Elysée nous remette un diplôme, et qu'à l'inverse les activistes ne sont pas prêts d'organiser une cérémonie à l'honneur des gouvernements socialistes …

2Délégation Interministérielle à la Lutte Contre le Racisme, l'Antisémitisme et la Haine anti-LGBT (DILCRAH)

jeudi 28 avril 2016

PMA : J’voudrais bien mais j’peux point

 

« Les personnes LGBT ne sont pas des pigeons que l’on peut appâter tous les cinq ans, une promesse à la fois »[1] a réaffirmé l’Inter-LGBT en réaction aux propos de Laurence Rossignol sur LCP mercredi 20 avril. La ministre y estimait que « la gauche s'engagerait pendant la campagne présidentielle de 2017, à ouvrir l'accès à la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules ».[2]

Chiche ! donnons crédit à cette affirmation de l’Inter-LGBT de sa volonté prédictive (plus que descriptive comme le reconnaissait lui-même un des porte-parole de l’inter associative sur les réseaux sociaux).

La Marche des Fiertés de juillet prochain à Paris, qui rappelons-le sera la dernière de ce quinquennat, devrait nous en apprendre plus sur l’étendue de cette volonté de se dissocier de la communication gouvernementale.

Elle sera l’une des dernières occasions, de signifier collectivement et massivement au parti majoritaire qu’il ne pourra s’abriter derrière un mariage incomplet, inégalitaire et dont pour profiter, il est préférable de ne pas être trop en situation de vulnérabilité, pour prétendre afficher un bilan positif.

Il reste un an.

Mais à l’heure actuelle, il serait indécent de permettre aux représentants du parti socialiste de parader à la tête de nos mobilisations.

Car dans la balance, il y a des choix délibérés, tranchés alors même que tous les leviers du pouvoir étaient à disposition :

- l’absence d’une politique de fond contre les LGBT-phobies,
- les personnes trans laissées à l’arbitraire des tribunaux pour l’obtention de papiers conformes à leur genre. Tribunaux qui vont jusqu’à exiger opérations et stérilisation comme conditions de la modification de la mention du sexe sur les registres de l'état civil.
- la restriction de l’accès à la PMA. Et une obligation de mariage pour les lesbiennes pour pouvoir adopter leurs propres enfants et se voir garantir leurs droits et devoirs parentaux.
- Le refus de prendre des mesures pour protéger les enfants intersexes des opérations chirurgicales et mutilations génitales non consenties et médicalement inutiles



Dans ce contexte à quoi riment les propos de Laurence Rossignol ?

Bien sûr, il y a cette dernière Pride pré-présidentielle qui se profile et même, ce gouvernement qui ne voit rien, n’entend rien et ne fait rien de ce que sa gauche en attend, ne peut totalement ignorer que ça grogne y compris chez les LGBT.

Alors, certes il serait préférable de s’épargner une série de Marches à charge et des responsables chahutés, conspués, voire boutés hors des cortèges.

Le scénario socialiste idéal est connu. Aux socialistes, le rôle de l’adulte, responsable et raisonnable. Au mouvement gay, celui du pupille docile, exprimant sa gratitude au seul tuteur acceptant de le prendre sous son aile protectrice.

Mais, au fond, pour les scénaristes du pouvoir, notre observance de ce rôle taillé par avance n’est pas primordiale, tant ils orchestrent déjà, avec la complicité des classes privilégiées, la variante destinée à contrer toute critique venue de gauche, qui range les récalcitrants dans la catégorie des enfants gâtés, aux exigences renvoyées au caprice et prétendument contradictoires avec les responsabilités du réel.

Car il ne faut pas se leurrer, le message de la ministre ne nous est pas principalement destiné.

On peut d’ailleurs observer une redoutable cohérence dans la communication des gouvernements de François Hollande autour de la PMA.

Alors que la réforme a été enterrée, elle ne cesse d’être remise dans l’actualité par ceux-là mêmes qui l’ont renvoyé aux calendes.

Ainsi, rien que ces dernières semaines, Laurence Rossignol s’était déjà exprimée à ce propos à la suite du récent remaniement ministériel le 12 février sur BFM[3], et avait réitéré le 16 février dans Libération[4] « Ces sujets doivent être traités par une société apaisée. Je travaille à l’apaiser ».

Si vraiment la PMA n’avait été abandonnée qu’en raison de la violence de la réaction à la loi  Mariage pour tous, pourquoi passer son temps à la remettre sur la table, sans en parallèle travailler l’opinion à son bien-fondé ?



Depuis le début du quinquennat, les questions gaies n’ont été traitées que comme marqueur de différenciation entre la droite et la gauche, avec une volonté maintes fois réitérée d’incarner une position centriste modérée, jugée la plus susceptible de mettre en difficulté la droite tempérée.
Il s’agissait moins de transformer la société, que de se présenter comme seul à même d’enregistrer les évolutions de la société et de les traduire en terme juridiques et légaux. Ni plus, ni moins. Là s’arrête le projet de transformation sociale des gouvernements Hollande.

A aucun moment, il n’a été question d’entraîner le pays dans une voie de réflexion (encore moins de remise en cause) sur la nature structurelle des inégalités qu’elles soient sociétales ou économiques.

On se leurre à penser que le président serait intéressé par une étiquette de rénovateur, affubler un conservatisme consensuel d’un léger vernis de modernisation qui suffit à lui permettre de se renouveler et prospérer lui convient très bien.

François Hollande n’est pas très éloigné de ses prédécesseurs. Certes, il est bien moins brillant qu’un François Mitterrand se campant en pacificateur d’une France unie en 1988, après avoir conspué les clans et les factions et se rapproche plus du spectre Jospinien de 2002 dont le projet n’était pas socialiste.

Néanmoins le positionnement en réalité n’a pas beaucoup changé, et les ambitions à venir sont d’ors et déjà claires. Jean Marc Ayrault, dimanche dernier, au soir de la victoire dans la législative partielle de Karine Daniel, candidate PS dans la 3ème circonscription de Loire Atlantique, nous en a redonné, pour ceux qui n’auraient pas saisi, le refrain : «Je crois que c’est la responsabilité de ceux qui sont élus, ou pas élus d’ailleurs, de faire leur travail de façon exemplaire sans se disperser dans des querelles secondaires (...). C’est comme ça que nous retrouverons le chemin de la confiance»[5]. Entendez plutôt le chemin de l’Elysée.

Hé ho, entonne-t-on, ailleurs ! pour nous convaincre, qu’il n’y a de progressisme que différentiel. Ce slogan de dessin animé n’est pas sans rappeler les campagnes du milieu des années 80, et notamment le « dis-moi jolie droite, pourquoi as tu de si grandes dents » qui s’était inspiré de l’imaginaire des cartoons. « Au secours la droite revient » avait-on crié au loup, en ces années-là.



On semble avoir oublié au PS que ces campagnes avaient débouché sur une défaite aux législatives …

Qu’importe, c’est au nom de ce seul argument «le PS ou la droite » qu’on essaie de nous enfermer dans une alternative irrecevable : accepter de reléguer nos droits élémentaires dans la catégorie accessoire, ou se voir réduit à occuper dans la balance tactique du PS, la plateau opposé de LMPT et des réacs, dans une symétrie immonde qui n’a pour but que de construire une prétendue médiane.

Nous ne sommes « pas des pigeons que l’on peut appâter tous les 5 ans une promesse à la fois ». Mais, quelle autre promesse nous fait le PS que celle d’avoir à choisir entre deux droites ? Bien malin, qui sait qui avalera quel appât.



Le PS veut le beurre et l’argent du beurre, séduire un centre élargi et rallier sans condition les électeurs de gauche.

Sortir de ce piège implique d’un point de vue communautaire de nous adresser, au-delà de nos cercles militants et des politiques, à l’opinion publique que nous devons convaincre que ces clés de lecture de nos revendications sont fausses.

Le mariage a été défendu comme une fin en soi, une forme d’aboutissement de l’égalité. Il n’est donc guère étonnant qu’il soit désormais affiché comme tel dans le bilan quinquennal. C’est cet axiome même que nous devons récuser.

Sans diminuer l’intérêt de cette ouverture, c’est à nous de démontrer qu’elle ne peut véritablement prendre sens qu’inscrite dans un mouvement général de la société vers l’égalité, et non si elle doit signifier l’enterrement d’une telle dynamique.

A nous de manifester que nos revendications s’inscrivent dans une interrogation globale des systèmes de domination et de porter une remise en question de l’inégalité républicaine objective et structurelle qui dépasse nos seuls intérêts.

Aujourd’hui, nous sommes à l’envers. Nous sommes perçus comme approuvant une normativité majoritaire dont nous ne demanderions que des ajustements qui nous bénéficieraient spécifiquement, quand c’est de tout l’inverse que nous devrions nous faire les relais : à partir de nos spécificités pointer la normative institutionnalisation des discriminations.

Pour ma part, je demeure persuadée que c’est en travaillant à une autonomie réaffirmée et à la mise en valeur de l’originalité de nos points de vue que se trouvent les solutions. Encore faut-il pour cela, se tourner vers nos propres ressources plutôt que de nous en remettre prioritairement aux bienveillance et volonté supposées d’experts et acteurs extérieurs.

Si nous en revenons à la PMA, cessons de brandir des sigles désincarnés qui ne suscitent aucune empathie, acceptons de dire haut et fort que nous voulons une refonte générale de la filiation, cessons de laisser les politiques se cacher derrière des prétendues peurs et confrontons-les au fait « qu’ils ont juste une vision rétrograde de la filiation ou du devenir parent ».[6]
Multiplions les témoignages concrets des effets de leurs lois comme le font les Enfants d’arc-en-ciel, valorisons nos propres experts[7] et le savoir-faire de nos militants sur le terrain.
Ne nous réfugions pas derrière des ultimatums et des menaces électorales aléatoires, mais assumons nos positions. Oui, le mariage est une avancée. Non, il n’est pas l’égalité. Et non il ne tient pas lieu de politique contre l’homophobie et la transphobie.

Si le mariage et les systèmes de parenté représentaient la fin du politique, la solution absolue et définitive aux discriminations et à la domination, l’alpha et l’oméga de l’organisation sociale, les hétéros s’en seraient aperçus, non ?

Alors, osons dire qu’il n’y aura pas de politique de gauche sans droits pour les minorités. Toutes les minorités.

Confrontés à une société qui organise la précarité et se replie sur l’autoritarisme, sur la désignation de boucs émissaires et le racisme institutionnalisé, il est plus que temps de réaffirmer que nous n’en serons ni l’alibi, ni les faire-valoir.

mardi 8 juillet 2014

Une réussite, la Marche des Fiertés, vraiment ?




Une fois passée la satisfaction d’avoir, après une autre année difficile, pu marcher quelques heures au sein de ses pairs, d’avoir exprimé frustrations, indignations, colères contre les innombrables reculs du gouvernement, reculs ratifiés par le parti socialiste - car faut-il rappeler cette réalité, y compris dans un quinquennat présidentiel, un gouvernement n’existe pas sans le soutien d’une majorité parlementaire-, l’heure est-elle à se féliciter ou à s’interroger sur la réelle portée de cette marche ?
Je précise qu’il n’est question ici que de la Marche parisienne, qui revêt certaines caractéristiques qui lui sont propres et ne me paraît pas avoir à remplir exactement aux mêmes fonctions que les marches en régions.

Certes il n’est en 2014 toujours pas négligeable d’être visibles et de faire nombre, ni de s’offrir du plaisir à défiler ensemble au cœur de la Cité.

Cependant à lire commentaires et comptes-rendus tant sur les réseaux sociaux que dans les médias, la réussite de cette édition tiendrait à un renouveau de son caractère politique, et preuve en serait l’omniprésence des messages et pancartes fustigeant les abandons d’une loi destinée à déjudiciariser et démédicaliser le changement d’état civil pour les trans, de l’ouverture de l’accès de la PMA à toutes et tous et, dernière actualité, des ABCD de l’égalité.

La concomitance de ce dernier recul avec la Marche me semble devoir à minima nous interroger sur la considération portée à nos mouvements et sur la réalité de leur poids politique. Surtout si on y ajoute que le vendredi précédant cette Pride a également vu boucler le vote d’une loi famille soigneusement expurgée de tous les éléments censés nous concerner. C’est dire si la perspective d’une Marche des Fiertés à charge contre la politique de Hollande et consorts ne constitue guère un motif de préoccupation dans les esprits de nos dirigeants.

Et après tout ont-ils tort ? Car si toutes les marches ont battu leurs records d’affluence en région, ce fut loin d’être le cas à Paris. Et si les pluies diluviennes de samedi ont certainement joué un rôle dans cette faible mobilisation (très éloignée des 700 000 participants de Cologne ou du million de personnes défilant à Madrid), on ne peut se contenter de cette explication.

Quant à l’écho médiatique, si on s’y attarde quelques instants, que constate-t-on ? La relative bonne couverture de la presse écrite et/ou en ligne ne peut faire oublier que les journaux de 20h de TF1 et France 2 ont carrément fait l’impasse sur la manifestation (et ce n’était pas par manque d’espace ou de temps, mais par choix éditorial). Les chaînes d’info continue et les radios ont pour leur part assuré une couverture minimale.

Mais quel message fut envoyé ? Que la PMA avait été renvoyée aux calendes grecques et que les lesbiennes, pédés et trans s’estimaient trahis par leur allié traditionnel. Cette information apportait-elle quelque chose de nouveau par rapport aux messages d’ors et déjà véhiculés par ces mêmes médias depuis des mois, assurément non. J’ajouterais cependant un bémol à mon propos en posant l’hypothèse d’une meilleure visibilité des trans qu’à l’accoutumée ?

Cette marche n’a pas pesé sur les décisions ni du gouvernement ni sur la solidarité témoignée de fait par le PS aux choix de ce dernier. N’a réussi à faire passer aucun message nouveau. Et n’a somme toute exprimé qu’une colère modérée et impuissante.

Tolérant même que Jean-Paul Huchon, au cœur du carré de tête de la manifestation, déclare à propos du choix de ne pas ouvrir l’accès à la PMA qu’il « peut comprendre aujourd’hui que le gouvernement essaye de ne pas élargir la fracture [ouverte par la bataille du mariage] et de ne pas relancer la bagarre là-dessus », renvoyant cette ouverture à « un jour ou l’autre, il faudra bien en passer à la PMA »[1]. Un jour ou l’autre !
En attendant, ce qu’était venu afficher Huchon à la marche, ce n’était donc pas son indignation devant les renoncements du gouvernement mais au contraire son soutien à la politique d’apaisement de celui-ci. Ce qui n’a semblé poser problème à aucun des militants qui l’entouraient à l’avant-garde de cette marche.

Pourtant c’était exactement ce qu’était censé combattre cette manifestation : cette compréhension officielle de la discrimination, affichée depuis la clause de conscience, qui n’est rien d’autre qu’une validation de l’homophobie. Une autorisation symbolique venue du sommet de l’Etat, inscrivant certaines des violences qui s’exercent sur nous dans la catégorie de l’admissible.

Pire encore, en opposant notre accès au droit commun à la paix civile, il est clairement posé que ces violences à notre encontre ne sont même pas considérées comme portant atteinte à cette paix. Qu’il n’y a pas là de fracture ! Ce qui revient à nous renvoyer de facto à un statut de second rang.

Et bien ! heureusement que cette marche était celle de la colère. Qui permet à un responsable socialiste de venir parader à sa tête en prêchant la compréhension de choix qui nous maltraitent ! Et seulement agacés, on faisait quoi, on offrait un mégaphone à Manuel Valls ?

En fait cette marche était en réalité à l’image d’un mouvement gay, lesbien et trans qui n’a pas fait son aggiornamento.

Traversé par la colère mais incapable d’aller au bout de ses constats et de consommer la rupture avec un allié dont il a pris l’habitude de tout attendre. Sans doute effrayée par la nécessité de réinventer ses modes d’actions et l’articulation de ses revendications, la nébuleuse LGBT hésite entre se donner les moyens de son autonomie et patienter sans trop irriter les responsables du PS en attendant leur retour à de meilleures dispositions.

Alors ménageant la chèvre et le chou, avec la trouille de perdre ses soutiens familiers et les rares subventions qui lui tiennent lieu de moyens, désemparée, elle s’efforce de dissocier socialisme gouvernemental et socialisme local, acceptant une distribution des rôles qui n’est qu’à moitié recevable entre bad et good cops.

Une stratégie risquée qui loin de pousser les uns et les autres à revoir leur implication à la hausse pourrait au contraire permettre aux gentils de se reposer sur leurs acquis et de se contenter de gestes symboliques qui par comparaison à leurs collègues suffiraient à leur assurer leur badge gay friendly.

Madame Hidalgo et monsieur Huchon prétendent vouloir lutter à nos côtés ? Prenons-les au mot. Cessons de nous adresser à eux en ordre dispersé et de nous satisfaire de bouts de ficelles au prétexte que la droite nous a toujours refusé ces mêmes appoints. Proposons à ces élus d’établir ensemble un véritable cahier des charges de ce que serait une politique ambitieuse d’intégration des homos et des trans à la vie de la région.

Et de notre côté, sortons de l’allégeance. Réinvestissons le culturel, tournons-nous vers la société civile, ancrons à nouveau nos mouvements dans une contestation plus vaste de l’injustice sociale, dans un mouvement général de lutte contre les systèmes d’aliénation et de domination. Contre ces politiques qui fragilisent et précarisent toujours plus les populations les plus vulnérables quand elles n’en font pas des boucs émissaires et des cibles.

Rénovons la façon dont nous portons nos revendications afin de leur redonner leur charge imaginative et conquérante. L’égalité nous a enfermé dans une demande de remise à niveau au détriment de la dynamique transformatrice. Entre la doléance catégorielle et la sujétion à un statu quo qui nous inclurait. Comme si notre seule préoccupation était d’obtenir une place dans la société telle qu’elle est. Avec pour résultat d’ailleurs de n’obtenir au final qu’un strapontin ! et un impact minimal.
Le mariage a-t-il été rénové ? La famille s’est-elle enrichie de nos modes de vie ? Les parents (hétérosexuels) ayant recours à la PMA peuvent-ils s’en ouvrir plus sereinement au-delà de leurs cercles intimes ? Nos déconvenues nous dépassent.

Nos outils et nos discours sont inefficaces, périmés. Allons-nous tirer les leçons de la séquence qui s’est terminée avec l’adoption d’une forme de mariage qui ne protège même pas nos familles et n’est toujours pas accessible à certains des nôtres ou préférer l’étirer en une lente impuissance ?

Nos adversaires s’organisent, mutualisent leurs forces (bien plus considérables que les notres), gagnent du terrain mais nous, nous n’en sommes encore qu’à témoigner de notre colère ?

La politique est affaire de rapports de force et de domination idéologique ; si nous voulons nous en mêler, il va nous falloir nous inventer de nouvelles ressources et réveiller notre imagination collective.

L’année dernière, le collectif Ouiouioui évoquait l’idée de rassembler des Etats généraux de l’homosexualité, sans en avoir la capacité organisationnelle.

Des Etats généraux ouverts. Non seulement aux militants et aux associatifs mais également aux électrons libres qui ne trouvent pas leur place dans le mouvement d’aujourd’hui et aux nouvelles transversalités – embryonnaires encore, certes – qui tentent de s’organiser. Ce pourrait être une piste. Un petit pas vers une autonomie désespérément nécessaire.


Gaypride Paris 2014 - Le Reportage - 28/06 (à partir de 2’50) ; GayvoxVideos

lundi 5 mai 2014

L'appel de Rome : PMA & austérité, la convergence




A la veille du 1er mai, le Premier ministre, Manuel Valls, s’adresse-t-il aux travailleurs ? Non. Il se rend officiellement au Vatican pour assister aux canonisations de deux papes, Jean-Paul II (dont l’opposition meurtrière à la capote n’est plus à rappeler) et Jean XXIII. Et, de Rome, s’adresse aux catholiques et aux opposants à l’intégration des droits des homosexuels dans le droit commun pour les assurer de l’opposition du gouvernement à tout texte d’ouverture de la procréation médicalement assistée « jusqu'à la fin de la législature ».

Puis, deux jours plus tard, le même demande aux députés socialistes d’approuver à l’Assemblée nationale son plan de 50 milliards d'économies. Ce scrutin, présenté comme un véritable vote de confiance, était destiné certes à asseoir la légitimité du gouvernement mais il fera surtout date dans l’inscription définitive du Parti socialiste dans le camp libéral.

Ces deux événements ont été chroniqués par la plupart des observateurs comme s’ils n’avaient aucun lien entre eux, si ce n’est de l’ordre du symbolique. Le gouvernement renoncerait à ses réformes de société pour apaiser une population frondeuse qu’il ne parvient pas à convaincre de l’efficacité de ses réformes économiques et sociales.

Assurément il y a déjà beaucoup à critiquer dans cette façon, dont les médias se font assez globalement complices, de présenter l’égalité juridique comme un caprice d’enfants gâtés qui détourneraient avec leurs exigences personnelles des véritables problèmes de la société française. Mais n’y a-t-il pas plus que cela ? La prétendue volonté d’apaiser ne masque-t-elle pas en fait une forme de convergence ?

Car le gouvernement ne s’est pas contenté d’annoncer l’enterrement de réformes promises lors de la campagne électorale. Il a aussi choisi de recevoir des représentants de La manif pour tous dont Ludovine de la Rochère, ancienne chargée de communication de la Fondation Jérôme Lejeune ou encore Frigide Barjot de l’Avenir pour tous et d’en faire subitement des interlocuteurs. Alors même qu’il ne leur avait été opposé, depuis l’adoption de la loi Taubira, que des fins de non-recevoir.

Il y a donc là un véritable choix. D’ailleurs Laurence Rossignol à propos de ces rendez-vous a même évoqué l’idée de « trouver un terrain d’entente sur certains sujets »[1] avec ces interlocuteurs, les propulsant quasiment au rôle de partenaires éventuels.

Or quelles sont les valeurs portées par ces différents groupes si ce n’est la volonté de justifier les inégalités ? Et en particulier l’inégalité des sexes et des sexualités. Volonté de revenir sur l’ouverture du mariage, sur la liberté d’avorter, de s’opposer à la lutte contre les stéréotypes de genre.

Et parce que nous imaginons encore ces valeurs éloignées, en apparence, de celles professées par les socialistes, ce rapprochement reste pensé comme superficiel. Le gouvernement n’aurait qu’un intérêt tactique et ponctuel à redonner légitimité à ces lobbys.

Pourtant ne s’apprête–t-il pas lui-même, avec son plan d’austérité, à renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes ?

Non seulement les femmes seront directement les premières victimes des mesures annoncées : gel des salaires dans la fonction publique, gel des prestations sociales et des pensions, mais elles vont également être convoquées pour pallier aux coupes sombres dans les services publics.

En effet, qui sera en première ligne pour s’occuper des malades que la santé publique prendra moins ou mal en charge ? Pour prendre soin des personnes âgées qui ne pourront payer des maisons de retraite hors de prix ou proposant des services indignes ? Pour garder les enfants à la maison en compensation de crèches jamais ouvertes ? Pour pallier tant bien que mal aux insuffisances d’une éducation nationale dévalorisée ?

Alors, n’y a-t-il pas là une cohérence ?

Le gouvernement a renoncé à transformer la société. Sa politique économique ne s’attaque pas à la pauvreté mais au contraire renforce les dynamiques d’exclusion, les accélère encore.

Travail, santé, éducation, les inégalités sont criantes mais sont désormais présentées comme inévitables. Il n’y aurait pas d’alternative, veut-on nous faire croire.

Alors, quel meilleur moyen quand on se refuse à construire les conditions d’une reconfiguration globale que d’interdire toute interrogation des processus de domination à l’œuvre ?

Favoriser l’émancipation des catégories dominées, ce serait les encourager à interroger le bien-fondé de la politique menée, une politique qui ne tient que parce que chacun reste à sa place. Le Parti socialiste s’est trouvé des alliés sur la base d’intérêts communs bien compris.



[1] http://www.metronews.fr/info/manif-pour-tous-je-ne-suis-pas-la-pour-negocier-previent-laurence-rossignol/mndv!QYY5XOEDJyd/

mardi 25 février 2014

Les faits sont têtus : le mariage ce n’est pas l’égalité






Au lendemain du vote de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le PS s’est gargarisé d’avoir réalisé l’égalité[1]. Cette égalité que scandaient les députés dans l’enceinte de l’Assemblée dans les minutes qui ont suivi le scrutin validant la loi.
Dans le contexte houleux qui accompagnait cette ouverture du mariage, les quelques voix qui saluaient l’adoption du texte mais contestaient cette analyse se sont révélées inaudibles.
Il y avait pourtant quelque chose d’indécent à prétendre que la question de l’égalité dans notre pays aurait pu se résoudre par la seule extension de l’accès à certains droits aux couples homosexuels.
En outre, comment peut-on parler d’égalité entre les couples, quand ceux de même sexe sont mis dans l’obligation d’en passer par le mariage pour bénéficier de droits dont les couples hétérosexuels jouissent indépendamment de leur statut conjugal ?
Enfin, le gouvernement prétend avoir sécurisé la situation des enfants qui ne bénéficiaient que d’un seul parent légalement reconnu, alors que dans les faits, il n’en a ouvert que la possibilité. C’est ce que vient de rappeler un article[2] du journal Le Monde, qui confirme ce que dénonçaient les associations gays et lesbiennes, à savoir que la reconnaissance d’une double filiation de ces enfants (et notamment pour des enfants conçus par PMA) demeure soumise à l’arbitraire de la justice.
Aujourd’hui, des couples de femmes qui ne se sont mariées que dans le but d’offrir à leurs enfants conçus par insémination artificielle une sécurisation de leurs liens familiaux pourraient se voir notifier par un juge un refus d’adoption.
En effet, s’il est prévu qu’au sein du couple marié, l’épouse ou l’époux peut adopter l'enfant de son conjoint, certains parquets entendent s’opposer à cette possibilité en instrumentalisant les conditions de conception des enfants.
Quand des procureurs prétendent, pour refuser des adoptions, invoquer la fraude à la loi, de façon abusive certes (la loi française n’interdit pas le recours à la PMA, elle se contente d’en encadrer l’accès sur le territoire français), ce sont les insuffisances et incohérences du gouvernement qu’ils exploitent.
En évacuant la question de la PMA, le gouvernement a délibérément choisi d’entretenir une différence entre parents (en cas de recours à la PMA y compris avec donneur anonyme par un couple hétérosexuel, nul besoin d’en passer par l’adoption pour faire établir la filiation) mais aussi entre enfants.
Dans un cadre hétérosexuel, le projet parental justifie l’établissement de la filiation sans préjuger du lien biologique, dans un cadre homosexuel cette absence de lien biologique redeviendrait soudain problématique au point d’en nécessiter l’approbation de la justice.
Si à technique médicale et statut marital rigoureusement similaires, la filiation est de droit dans certains cas et incertaine dans d’autres, où est l’égalité dont se prévalent les socialistes ?
Cette procédure d’adoption à posteriori est une épreuve, au sens littéral du terme. Car il n’est pas demandé de démontrer une capacité potentielle (comme dans les enquêtes classiques d’agrément) mais de justifier de sa parentalité.
Cette suspicion jetée sur sa qualité de parent est discriminatoire mais aussi d’une grande violence. Et cette violence d’état affecte les mères comme les enfants. Car quels que soient les efforts des parents concernés pour les protéger des effets délétères de ces procédures, ils ne pourront jamais en être totalement abrités.
En obligeant les mères à partir, en fonction de leur domiciliation, à la pêche aux attestations de parents, amis, voisins, médecins, instituteurs certifiant de leur implication, à se soumettre à des enquêtes sociales, à l’accord des grands-parents, à en passer par des visites de la police ou des convocations au commissariat, que dit-on aux enfants de la considération portée à leurs parents ? Quel cas fait-on de leur sécurité, en ne reconnaissant qu’ils ont deux parents que de longs mois après leur naissance, le temps que les dossiers soient montés et examinés ?
En réaction aux réquisitions défavorables de différents parquets, certains en appellent à la Chancellerie pour qu’elle émette une directive rappelant l’esprit de la loi Taubira. D’un point de vue concret, ce serait un moindre mal. Mais ça ne changerait rien à la violence intrinsèque de ces procédures. Ni à leur dimension lesbophobe. Une dimension inscrite dans les choix politiques voulus, validés et mis en œuvre par ce gouvernement.
Aux tartufferies du PS qui prétend brandir l’égalité pour mieux oublier ces PMA qu’il ne saurait voir, les témoignages des familles opposent des réalités têtues. Il est plus que temps, non seulement de permettre à tous et toutes d’accéder aux techniques de procréation médicalement assistées mais de s’attaquer à une vraie réforme de la filiation pour l’inscrire sur l’engagement parental plutôt que sur la biologie, et ce quels que soient le statut matrimonial, le genre et l’orientation sexuelle des parents.

lundi 3 février 2014

PS : on attend le médecin légiste





Il est communément admis que le gouvernement, et par extension les socialistes, reculeraient sur leurs engagements et promesses de campagne sous la pression des opposants à leurs projets.
Il faudrait dès lors imputer ces reculs soit à un manque de courage, soit à la volonté si ce n’est de satisfaire ces opposants, au moins de les apaiser.
Face à ces choix du gouvernement, une partie des sympathisants de gauche répond par la résignation - compte-tenu de l’exacerbation des colères et des difficultés économiques, il n’y aurait pas d’alternative au compromis et à la temporisation – tandis que d’autres expriment une incompréhension grandissante.

Cette incompréhension progresse à partir de deux constats : le gouvernement s’adresserait à un électorat qui n’est pas le sien et qu’il ne sera jamais en mesure de conquérir. De plus, ce calcul ne produit pas la pacification promise. Au contraire les mouvements de contestation s’inscrivent peu à peu dans la durée et multiplient les manifestations d’hostilité, élargissant chaque jour le registre de leurs prétentions.

Cependant il me semble que relier les reniements socialistes à la seule puissance des manifestations réactionnaires est non seulement réducteur mais surtout erroné.

François Hollande n’est ni stupide, ni aveugle et encore moins dépourvu de sens tactique. Il serait naïf d’imaginer que sa politique viserait à séduire, même si peu que ce soit, la frange la plus réactionnaire de la droite.

Et ce n’est pas la force de nuisance de celle-ci qui le contraint à abandonner un projet de société qui lui tiendrait à cœur quand il recule sur la PMA, la démédicalisation et déjudiciarisation du changement d’état civil pour les personnes trans ou la loi Famille. Il n’a d’ailleurs pas attendu l’émergence de la Manif pour tous, pour s’inscrire dans une stratégie qui doit conduire, selon ses analyses, à un second quinquennat socialiste.

Cette stratégie repose sur le fait minoritaire de la gauche dans le pays. Une gauche dont l’impuissance collective à imposer ses schèmes conduit le Président de la République à estimer qu’une réélection ne saurait être possible qu’à condition d’empêcher la droite de s’unir, de récupérer les voix centristes et de convaincre les décideurs économiques qu’une gauche modérée au pouvoir est bien plus à même de leur permettre de mener à bien leur entreprise de démolition libérale de l’Etat qu’une droite dure.

Ratification du traité sur la stabilité, 
la coordination et la gouvernance
au sein de l’Union économique et monétaire, ANI (accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi), réforme des retraites (et bientôt pacte de responsabilité), autant de réformes souhaitées par la droite et le patronat et menées par le gouvernement Ayrault sans qu’aucune grève ou mouvement social d’envergure ne viennent en gêner la mise en œuvre.

Seuls les faits s’imposent. François Hollande ne mène pas une politique socialiste. Il ne mène même pas une politique sociale-démocrate. Non, il mène une politique de centre droit. Economique, sociale et sociétale.

A un moment il faut en tirer les conséquences, le PS n’est pas une force de transformation sociale, au mieux c’est un conservatisme modéré. Il ne trahit pas la gauche, il n’en fait plus partie.

Prétendre qu’il la trahit c’est encore l’aider à entretenir une supercherie.

Face à une droite minée par les divisions internes, privée de ses principaux arguments programmatiques sur le plan économique et poussée par sa fraction la plus archaïque à durcir ses positions sociétales au risque de se couper de ses modérés,

Face à une gauche émiettée, se déchirant dans des rivalités stériles, incapable de tracer des perspectives et de disputer son leadership au PS et un électorat déboussolé à qui l’on ne cesse de répéter qu’il n’existe pas d’alternative,

Il se sert de nos revendications comme d’un chiffon rouge visant à afficher sa modération.

Il se moque de nous comme des réacs qui occupent nos rues. Les uns et les autres ne sommes utiles que pour figurer une ligne médiane susceptible d’incarner une gouvernance raisonnable.

Voilà à quoi servent les messages d’apaisement.

A convaincre la majorité de la population qu’entre deux extrêmes, le PS représente la seule solution responsable.

François Hollande et le PS n’ont guère l’intention de se préoccuper de nos incompréhensions, de notre colère devant ses reniements ou de nos frustrations, ils n’ont qu’un objectif consolider leur centralité sur l’échiquier politique.

Il ne sert à rien d’attendre de leur part qu’ils défendent nos revendications. Nous n’avons pas d’autres solutions que de les porter nous-mêmes, de les faire vivre dans la société sans en rabattre jamais sur nos valeurs, jusqu’à contraindre les partis politiques à les reprendre à leur compte parce qu’il n’est plus de leur intérêt de les ignorer plus longtemps.

La politique n’est rien d’autre qu’un rapport de force.

Plus que des gesticulations d’obscurantistes, c’est de notre impuissance commune à nous mobiliser que naissent les reniements du PS. Dans la lâcheté, l’indifférence et la résignation collective.

Empêtrés dans les difficultés quotidiennes, bridés par un carcan idéologique qui veut nous soumettre, il n’y a pourtant pas d’autres voies que de nous faire, nous-mêmes, acteurs du changement.

jeudi 16 janvier 2014

La violence du consensus




L’allégeance de François Hollande aux politiques de droite ne se limite pas à ses propositions économiques (assez largement commentées pour que je ne m’y attarde pas). Sur les questions de société aussi, le Président de la République donne des gages au conservatisme.
L’habileté du Président consiste à habiller ses choix de la délicate et si appréciée tournure du consensus. Pour connue qu’elle soit, la méthode Hollande fonctionne chaque fois que les observateurs lui laissent endosser les habits de l’homme de la synthèse. Au prétexte du rassemblement, il incarnerait ainsi la voie de la modération raisonnable.
L’arnaque fonctionne d’autant mieux qu’elle rencontre une complicité objective des media dont la logique n’est pas très éloignée de celle du Président : s’attacher un auditoire le plus large possible dans une France qu’on imagine conservatrice.
L’exercice est simple, on présente l’objectif à travers des termes positifs, concorde, apaisement, tout en prenant soin au contraire d’habiller l’alternative d’antonymes suggérant le désordre : divisions et polémique.
Et pour mieux s’ériger en arbitre, on forge de fausses équivalences.
Plaçant sur le même plan des actes racistes, illégaux et d’autres qui ne le sont pas, le blasphème : « s'exhiber dans une église »[1]. Comme s’il était indifférent de s’en prendre à des personnes ou de s’attaquer à une institution.
Une demande d’élargissement du droit commun : l’ouverture du mariage et l’autorisation de s’exonérer du respect de la loi : la clause de conscience.
Des mouvements revendiquant le droit pour chacun à disposer de son corps et à décider des conditions de sa propre mort et ceux qui souhaitent imposer aux autres leur refus de cette liberté.
Quand le gouvernement persiste à prétendre qu’il est légitime de questionner l’orientation sexuelle des femmes avant de leur permettre l’accès à la PMA, il ne fait qu’autoriser la discrimination.
Quand il conditionne cette réforme à un futur (et improbable) apaisement de ceux qui la refusent, il ne travaille pas au rassemblement mais autorise une faction bruyante à décider en nos lieux et places de l’organisation de nos modes de vie.
De la même façon, prétendre élaborer un texte sur la fin de vie « sans polémiques, sans divisions et simplement dans l’idée qu’un cheminement est possible pour rassembler toute la société »[2] revient à confier à cette même faction le pouvoir de décider pour l’ensemble de la société de ce qui est acceptable ou non.
Gageons qu’ils sauront faire fructifier cet encouragement présidentiel à contrer cette réforme pour la réduire à peau de chagrin et continuer à imposer en règle universelle leur très catholique morale personnelle.
Interdire à ses concitoyens de disposer librement de leurs corps n’a rien de démocratique.
Nous voici, donc, avec un président de la République qui, d’un ton patelin, défend la discrimination, confond allègrement légal et illégal et réhabilite avec bonhomie, les forces les plus obscurantistes et antirépublicaines de la société.
François Hollande réussit la synthèse entre le pire du système présidentiel : quand un seul homme décide, et celui du système parlementaire : quand une minorité finit par imposer ses idées à la majorité. Ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac, lors des cohabitations avec des majorités qui ne leur étaient pas favorables, n’avaient pour autant renoncé à défendre les valeurs de leurs électorats respectifs.
François Hollande qui lui pourrait s’appuyer sur une majorité qui détient tous les pouvoirs a non seulement choisi de ne pas s’opposer à la domination idéologique de la droite, mais il est en train d’offrir à ses courants les plus violemment réactionnaires un pouvoir que les urnes leur ont refusé. Ils ne se priveront pas d’en abuser.
A trop miser sur une explosion de l’UMP et un affrontement binaire qui verrait s’opposer Front National et un PS incarnant désormais la droite modérée, il pourrait bien n’y avoir que des perdants.



[1]Conférence de presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014, http://www.elysee.fr/conference-de-presse-du-president-de-la-republique-confpr-2/
[2]Conférence de presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014, http://www.elysee.fr/declarations/article/ouverture-de-la-conference-de-presse-du-president-de-la-republique-au-palais-de-l-elysee-le-14-janvier-201/