Il est communément admis que le
gouvernement, et par extension les socialistes, reculeraient sur leurs
engagements et promesses de campagne sous la pression des opposants à leurs
projets.
Il faudrait dès lors imputer ces reculs
soit à un manque de courage, soit à la volonté si ce n’est de satisfaire ces
opposants, au moins de les apaiser.
Face à ces choix du gouvernement,
une partie des sympathisants de gauche répond par la résignation - compte-tenu
de l’exacerbation des colères et des difficultés économiques, il n’y aurait pas
d’alternative au compromis et à la temporisation – tandis que d’autres
expriment une incompréhension grandissante.
Cette incompréhension progresse à
partir de deux constats : le gouvernement s’adresserait à un électorat qui
n’est pas le sien et qu’il ne sera jamais en mesure de conquérir. De plus, ce
calcul ne produit pas la pacification promise. Au contraire les mouvements de
contestation s’inscrivent peu à peu dans la durée et multiplient les manifestations
d’hostilité, élargissant chaque jour le registre de leurs prétentions.
Cependant il me semble que relier
les reniements socialistes à la seule puissance des manifestations
réactionnaires est non seulement réducteur mais surtout erroné.
François Hollande n’est ni
stupide, ni aveugle et encore moins dépourvu de sens tactique. Il serait naïf
d’imaginer que sa politique viserait à séduire, même si peu que ce soit, la
frange la plus réactionnaire de la droite.
Et ce
n’est pas la force de nuisance de celle-ci qui le contraint à abandonner un
projet de société qui lui tiendrait à cœur quand il recule sur la PMA, la démédicalisation
et déjudiciarisation du changement d’état civil pour les personnes trans ou la
loi Famille. Il n’a d’ailleurs pas attendu l’émergence de la Manif pour tous,
pour s’inscrire dans une stratégie qui doit conduire, selon ses analyses, à un
second quinquennat socialiste.
Cette stratégie repose sur le
fait minoritaire de la gauche dans le pays. Une gauche dont l’impuissance
collective à imposer ses schèmes conduit le Président de la République à
estimer qu’une réélection ne saurait être possible qu’à condition d’empêcher la
droite de s’unir, de récupérer les voix centristes et de convaincre les
décideurs économiques qu’une gauche modérée au pouvoir est bien plus à même de
leur permettre de mener à bien leur entreprise de démolition libérale de l’Etat
qu’une droite dure.
Ratification
du traité sur la stabilité,
la coordination et la gouvernance
au sein de
l’Union économique et monétaire, ANI (accord national interprofessionnel sur la
compétitivité et la sécurisation de l’emploi), réforme des retraites (et
bientôt pacte de responsabilité), autant de réformes souhaitées par la droite
et le patronat et menées par le gouvernement Ayrault sans qu’aucune grève ou
mouvement social d’envergure ne viennent en gêner la mise en œuvre.
Seuls les faits s’imposent.
François Hollande ne mène pas une politique socialiste. Il ne mène même pas une
politique sociale-démocrate. Non, il mène une politique de centre droit.
Economique, sociale et sociétale.
A un moment il faut en tirer les
conséquences, le PS n’est pas une force de transformation sociale, au mieux
c’est un conservatisme modéré. Il ne trahit pas la gauche, il n’en fait plus
partie.
Prétendre qu’il la trahit c’est
encore l’aider à entretenir une supercherie.
Face à une droite minée par les
divisions internes, privée de ses principaux arguments programmatiques sur le
plan économique et poussée par sa fraction la plus archaïque à durcir ses
positions sociétales au risque de se couper de ses modérés,
Face à une gauche émiettée, se
déchirant dans des rivalités stériles, incapable de tracer des perspectives et
de disputer son leadership au PS et un électorat déboussolé à qui l’on ne cesse
de répéter qu’il n’existe pas d’alternative,
Il se sert de nos revendications
comme d’un chiffon rouge visant à afficher sa modération.
Il se moque de nous comme des
réacs qui occupent nos rues. Les uns et les autres ne sommes utiles que pour
figurer une ligne médiane susceptible d’incarner une gouvernance raisonnable.
Voilà à quoi servent les messages
d’apaisement.
A convaincre la majorité de la
population qu’entre deux extrêmes, le PS représente la seule solution
responsable.
François Hollande et le PS n’ont
guère l’intention de se préoccuper de nos incompréhensions, de notre colère
devant ses reniements ou de nos frustrations, ils n’ont qu’un objectif
consolider leur centralité sur l’échiquier politique.
Il ne sert à rien d’attendre de
leur part qu’ils défendent nos revendications. Nous n’avons pas d’autres
solutions que de les porter nous-mêmes, de les faire vivre dans la société sans
en rabattre jamais sur nos valeurs, jusqu’à contraindre les partis politiques à
les reprendre à leur compte parce qu’il n’est plus de leur intérêt de les
ignorer plus longtemps.
La politique n’est rien d’autre
qu’un rapport de force.
Plus que des gesticulations
d’obscurantistes, c’est de notre impuissance commune à nous mobiliser que
naissent les reniements du PS. Dans la lâcheté, l’indifférence et la
résignation collective.
Empêtrés dans les difficultés
quotidiennes, bridés par un carcan idéologique qui veut nous soumettre, il n’y
a pourtant pas d’autres voies que de nous faire, nous-mêmes, acteurs du
changement.
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