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lundi 17 novembre 2014

Au gré des vents




Génial, Sarkozy postule au rôle du coq perché au sommet de l’église et nous voilà promus experts en météo juridique !

Bon, la bonne nouvelle, c’est que si une partie des militants de l’UMP est ravie du retour du patron, cet enthousiasme n’est visiblement pas partagé par ses cadres. Qui se sont empressés d’exploiter l’image peu flatteuse, pour qui prétend incarner la hauteur d’un chef d’Etat, du tribun cédant aux imprécations d’une salle rugissante.
La mauvaise nouvelle, c’est que passent ainsi pour modérées les propositions de ses concurrents de ne s’en tenir qu’à une réécriture de la loi Taubira et d’interdire toute progression de nos droits.

Peut-on, ne peut-on pas ? La bataille n’est pas juridique mais idéologique. Faut-il rappeler, qu’en dernier ressort, le juridique n’a aucune existence objective et demeure en toute circonstance soumis à interprétation politique.

Il y a une quinzaine d’années, Caroline Mécary faisait remarquer que rien n’interdisait dans la loi de marier des couples homos, pourtant il a fallu 15 ans justement et une loi spécifique pour y parvenir. Tout simplement parce que l’interprétation du droit n’échappe pas au rapport de forces idéologiques.

Alors évidemment on peut, c’est compliqué, délicat, peu probable, des garde-fous (quasiment au sens littéral) existent, mais quand le vent devient mauvais, rien n’est impossible. Et je ne vais pas expliquer comment à nos ennemis, ils en ont déjà quelques idées assez précises. Y compris à d’autres échelles qu’hexagonales.

Sans en arriver là, pour le moment, ils réussissent toujours à marquer des points. Peu importe que les déclarations de Sarkozy le revenant soient crédibles et aient vocation à se réaliser ou non, non seulement ils parviennent à imposer qu’on débatte encore et toujours, en dépit des tendances légitimistes lourdes de la population, de la validité d’une loi votée mais qui plus est, ils nous acculent à défendre cette seule avancée, nous empêchant d’en pointer les insuffisances et de développer nos propres revendications.

Comme le souligne le communiqué des Enfants d’Arc en Ciel, pourtant « Un mariage au rabais c’est déjà ce qui nous a été accordé. Certains d’entre nous ne peuvent pas se marier en raison de la nationalité de l’un d’eux, la filiation n’est pas accessible à nos enfants dès leur naissance et sans procédure judiciaire, les enfants ne peuvent pas être conçus dans leur pays grâce à l’aide médicale à la procréation, etc. »[1]

Mais une fois de plus, ce week-end, il a été question non du mariage mais de mariage homosexuel. Nul n’est besoin en fait de nous proposer un mariage à part, puisque d’une certaine façon c’est toujours le cas dans les esprits et dans la loi.

Parler de mariage homosexuel, c’est en fait souligner et entretenir malgré cette loi, l’idée que nos unions n’accèdent toujours pas et n’ont pas à accéder au droit commun.

Une façon à minima de bloquer toute évolution nous y conduisant. Xavier Héraud de Yagg, dans son édito[2] d’aujourd’hui, peut bien se moquer de Bruno Le Maire défendant des interdictions déjà à l’œuvre, il n’empêche qu’à les agiter, il passe pour modéré et responsable. Quasi consensuel ! et contribue à les rendre indiscutables.

J’ai vu ici et là déplorer que Sarkozy nous utilise, mais il n’est pas le seul. Toute la classe politique, avec la complicité des médias, se joue de nous. Sarkozy qui veut se faire le champion de toute la droite, Le Maire, Fillon, Juppé qui souhaitent reprendre à François Hollande la chaire de la modération responsable et le Président qui en profite pour nous rappeler à l’apaisement[3], brandissant avec satisfaction la menace d’une alternance pire que sa gouvernance.

Le temps d’un week-end, les médias friands de ce type de divertissement, ont consenti à nous ouvrir leurs micros, et faute de mieux nous voilà contraints à jouer les pompiers bénévoles des insuffisances socialistes !

La Manif pour tous et ses avatars nous donnent des leçons d’activisme minoritaire. En maintenant constante leur pression sur la légitimité même de la loi Taubira, ils nous obligent à concentrer nos forces et nos énergies en défense.

Heureusement, pendant ce temps, l’ADFH[4] a obtenu d’échanger son strapontin à l’UNAF contre un siège de membre à part entière. Là, on avance, même si nous ne sortons toujours pas du cercle de la famille.



[2] «Sarkozy, l’UMP et les homos: un mensonge chasse l’autre», par Xavier Héraud,
[3] «Cette loi est respectée, elle est d’ailleurs chaque jour mieux comprise. Ensuite il appartiendra, s’il devait y avoir alternance, à ce que ce débat se repose. Mais aujourd’hui, il n’est pas posé, il n’est plus posé et je vais vous dire aussi que dans ce débat-là, qui est maintenant derrière nous, moi je pense que l’apaisement est la meilleure des méthodes. Le consensus est toujours préférable à la division.»

mardi 23 septembre 2014

Pas de quoi se vanter, Madame Taubira !



Non, Madame Taubira, l’avis de la cour de cassation établissant que « le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. » ne mettra pas « fin à plusieurs mois d’insécurité juridique pour les familles homoparentales » comme le prétend votre communiqué de presse[1] de ce jour.

Il va permettre aux couples de femmes mariées, qui se sont vues contraintes de devoir en passer par le mariage et des procédures d’adoption pour voir reconnaître juridiquement les liens de parenté qui les unissent à leurs enfants, de ne pas se voir opposer par des juges une prétendue fraude à la loi. Et c’est une excellente nouvelle.

Mais ce sont donc DES (et non les) familles homoparentales qui voient aujourd’hui le parcours juridique que vous avez décidé de leur imposer s’éclaircir. Il n’en demeure pas moins que la reconnaissance d’une double filiation des enfants de ces familles est toujours soumise à des procédures (qui ont un coût psychologique, social et financier) et des décisions de justice, quand les couples hétérosexuels (et ce quel que soit leur statut conjugal) ayant recours aux mêmes pratiques de conception se voient réservés le droit d’établir leurs liens de filiation par simple déclaration. Aussi les enfants selon que leurs parents sont hétérosexuels ou homosexuels continuent de ne pas bénéficier des mêmes droits.

En outre, si cette possibilité d’adoption par le conjoint ouverte par la loi du 17 mai 2013 est un progrès, elle n’est pas équivalente à la sécurisation que vous évoquez, Madame la garde des Sceaux. En effet, quelle sécurité offrez-vous à un enfant dont la mère biologique décéderait dans le laps de temps qui court entre sa naissance et le terme de la procédure d’adoption ?

D’autre part, les familles homoparentales sont diverses et en liant la protection des enfants au mariage et uniquement à celui-ci, vous avez écarté de cette sécurité juridique les enfants dont les parents ne se conforment pas au seul modèle (le couple marié) que vous avez estimé pouvoir bénéficier d’une possibilité de reconnaissance.
Ainsi qu’en est-il, par exemple, des droits des enfants dont les deux mères sont aujourd’hui séparées et qui bien évidemment ne sont pas en situation d’en recourir au mariage. Ou de ceux, dont les parents relèvent des onze nationalités toujours exclues du mariage pour tous ?

Alors si les avis de la cour de cassation représentent un indéniable soulagement pour de nombreuses familles, nous n’oublions pas que ces avis ont été rendus nécessaires par les insuffisances et incohérences de vos choix gouvernementaux.

En liant reconnaissance de la filiation et mariage, en évacuant la question de la PMA et en refusant d’en ouvrir l’accès sur le territoire national à toutes les femmes, le gouvernement a choisi d’entretenir les préjugés et l’idée que certaines formes de familles mériteraient plus d’attention que d’autres.

Alors la satisfaction que nous tirons de la décision de la cour de cassation ne saurait masquer que les dispositifs que vous avez mis en place institutionnalisent toujours une inégalité juridique entre les enfants au prétexte de l’orientation sexuelle de leurs parents et/ou de leur vie conjugale.


[1] http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-10095/archives-des-communiques-de-2014-12598/pma-realisee-a-letranger-27509.html

jeudi 1 mai 2014

La Manif pour tous, le gouvernement & la justice, unis pour priver des enfants de leurs droits





Protéger les enfants disaient-ils l’année dernière. Apaiser, psalmodient-ils aujourd’hui.

De bonnes paroles, censées susciter une adhésion immédiate, empêcher toute réflexion en appelant à notre bon sens : qu’y a-t-il de plus noble, de plus partagé et de plus instinctif que la défense de l’enfant ?  Qui voudrait vivre dans une société qui se déchire ?

Et derrière ce masque patelin, l’homophobie se partage en bonne connivence.

Le 29 avril dernier, le Tribunal de Grande Instance de Versailles s’est senti autorisé par les insuffisances de la loi ouvrant le mariage pour tous pour s’opposer à l’adoption de l’enfant du conjoint dans une famille homoparentale au motif que cet enfant « a été conçu par le biais d’un protocole de procréation médicalement assistée en Belgique ».

S’il fallait démontrer encore l’inégalité de traitement réservée aux enfants des familles homoparentales, le tribunal vient d’en donner une preuve éclatante. Et peu importe que ce n’ait pas été, prétendument, les intentions du législateur. Car même si la décision du tribunal ne devait pas résister à une procédure d’appel, un petit garçon de quatre ans vient de faire les frais du mépris d’un gouvernement qui ne cesse de prétendre que les avancées législatives ouvertes par le mariage pour tous suffisent à ses ambitions de justice.

Soyons clairs, il est des enfants dont les irréductibles opposants au mariage des couples homosexuels, comme le gouvernement se moquent éperdument. Au nom des droits de l’enfant. Au nom de l’apaisement.

Ces enfants à qui, ils refusent la sécurité juridique d’une famille reconnue par la loi.

Ceux à qui, ils assènent jour après jour qu’il aurait, selon eux, mieux valu qu’ils aient d’autres parents que les leurs. Que leurs parents ne sont pas légitimes, ne sont pas de "vrais" parents.

Ceux à qui, ils voudraient interdire de devenir parents en raison de leur orientation sexuelle et à qui, ils ne cessent de répéter qu’ils ne bénéficieront pas une fois adultes des mêmes droits que les autres. Et si, soumis à ces discours stigmatisants, ils adoptent des conduites à risques, voire se suicident avant même d’atteindre l’âge d’adulte, nos alliés s’en laveront les mains.

Ces enfants que leurs parents jetteront à la rue, n’ayant retenu de ces derniers mois qu’une hiérarchisation des orientations sexuelles.

Ceux qui élevés, par des parents célibataires, ne cessent d’entendre que seuls, un papa et une maman, sont à même d’assurer l’équilibre d’un enfant.

Ceux à qui leurs parents adoptifs doivent assurer que, contrairement à ce qu’ils entendent à la télé, le lien qui les unit n’a pas moins de valeur qu’une filiation biologique.

Ceux qui nés d’une PMA avec don d’un tiers se voient renvoyé à la figure leur filiation non naturelle.

Alors non, ils ne défendent pas les droits des enfants. Ce ne sont pas seulement des hypocrites mais des imposteurs.

La seule chose dont souffrent ces enfants, c’est de l’homophobie, de l’insécurité juridique et des discriminations des couples homosexuels qui les privent de droits réservés aux enfants de couples hétérosexuels.

Une homophobie que La Manif pour tous, le gouvernement & la justice, défendent en chœur.

mardi 25 février 2014

Les faits sont têtus : le mariage ce n’est pas l’égalité






Au lendemain du vote de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le PS s’est gargarisé d’avoir réalisé l’égalité[1]. Cette égalité que scandaient les députés dans l’enceinte de l’Assemblée dans les minutes qui ont suivi le scrutin validant la loi.
Dans le contexte houleux qui accompagnait cette ouverture du mariage, les quelques voix qui saluaient l’adoption du texte mais contestaient cette analyse se sont révélées inaudibles.
Il y avait pourtant quelque chose d’indécent à prétendre que la question de l’égalité dans notre pays aurait pu se résoudre par la seule extension de l’accès à certains droits aux couples homosexuels.
En outre, comment peut-on parler d’égalité entre les couples, quand ceux de même sexe sont mis dans l’obligation d’en passer par le mariage pour bénéficier de droits dont les couples hétérosexuels jouissent indépendamment de leur statut conjugal ?
Enfin, le gouvernement prétend avoir sécurisé la situation des enfants qui ne bénéficiaient que d’un seul parent légalement reconnu, alors que dans les faits, il n’en a ouvert que la possibilité. C’est ce que vient de rappeler un article[2] du journal Le Monde, qui confirme ce que dénonçaient les associations gays et lesbiennes, à savoir que la reconnaissance d’une double filiation de ces enfants (et notamment pour des enfants conçus par PMA) demeure soumise à l’arbitraire de la justice.
Aujourd’hui, des couples de femmes qui ne se sont mariées que dans le but d’offrir à leurs enfants conçus par insémination artificielle une sécurisation de leurs liens familiaux pourraient se voir notifier par un juge un refus d’adoption.
En effet, s’il est prévu qu’au sein du couple marié, l’épouse ou l’époux peut adopter l'enfant de son conjoint, certains parquets entendent s’opposer à cette possibilité en instrumentalisant les conditions de conception des enfants.
Quand des procureurs prétendent, pour refuser des adoptions, invoquer la fraude à la loi, de façon abusive certes (la loi française n’interdit pas le recours à la PMA, elle se contente d’en encadrer l’accès sur le territoire français), ce sont les insuffisances et incohérences du gouvernement qu’ils exploitent.
En évacuant la question de la PMA, le gouvernement a délibérément choisi d’entretenir une différence entre parents (en cas de recours à la PMA y compris avec donneur anonyme par un couple hétérosexuel, nul besoin d’en passer par l’adoption pour faire établir la filiation) mais aussi entre enfants.
Dans un cadre hétérosexuel, le projet parental justifie l’établissement de la filiation sans préjuger du lien biologique, dans un cadre homosexuel cette absence de lien biologique redeviendrait soudain problématique au point d’en nécessiter l’approbation de la justice.
Si à technique médicale et statut marital rigoureusement similaires, la filiation est de droit dans certains cas et incertaine dans d’autres, où est l’égalité dont se prévalent les socialistes ?
Cette procédure d’adoption à posteriori est une épreuve, au sens littéral du terme. Car il n’est pas demandé de démontrer une capacité potentielle (comme dans les enquêtes classiques d’agrément) mais de justifier de sa parentalité.
Cette suspicion jetée sur sa qualité de parent est discriminatoire mais aussi d’une grande violence. Et cette violence d’état affecte les mères comme les enfants. Car quels que soient les efforts des parents concernés pour les protéger des effets délétères de ces procédures, ils ne pourront jamais en être totalement abrités.
En obligeant les mères à partir, en fonction de leur domiciliation, à la pêche aux attestations de parents, amis, voisins, médecins, instituteurs certifiant de leur implication, à se soumettre à des enquêtes sociales, à l’accord des grands-parents, à en passer par des visites de la police ou des convocations au commissariat, que dit-on aux enfants de la considération portée à leurs parents ? Quel cas fait-on de leur sécurité, en ne reconnaissant qu’ils ont deux parents que de longs mois après leur naissance, le temps que les dossiers soient montés et examinés ?
En réaction aux réquisitions défavorables de différents parquets, certains en appellent à la Chancellerie pour qu’elle émette une directive rappelant l’esprit de la loi Taubira. D’un point de vue concret, ce serait un moindre mal. Mais ça ne changerait rien à la violence intrinsèque de ces procédures. Ni à leur dimension lesbophobe. Une dimension inscrite dans les choix politiques voulus, validés et mis en œuvre par ce gouvernement.
Aux tartufferies du PS qui prétend brandir l’égalité pour mieux oublier ces PMA qu’il ne saurait voir, les témoignages des familles opposent des réalités têtues. Il est plus que temps, non seulement de permettre à tous et toutes d’accéder aux techniques de procréation médicalement assistées mais de s’attaquer à une vraie réforme de la filiation pour l’inscrire sur l’engagement parental plutôt que sur la biologie, et ce quels que soient le statut matrimonial, le genre et l’orientation sexuelle des parents.

vendredi 15 février 2013

Désormais les hétérosexuels ne sont plus normaux, seulement majoritaires



Pourquoi s’opposer, et avec tant de véhémence à un projet de loi qui ouvre des droits à ceux qui en étaient privés et ne vous en retire aucun ?

Cette interrogation étonnée accompagne inlassablement les manifestations d’opposition au mariage des couples de même sexe.

Pour y répondre, il faut s’écarter du droit, pour s’intéresser aux liens qui unissent rapports de domination et identité.

Dans un climat d’incertitude, largement alimenté par le sentiment d’être cerné par la crise, la tentation est grande de se raccrocher à ce qu’on imagine posséder.

L’enjeu de cette bataille, car c’en est une, dépasse évidemment le mariage, la filiation, la protection des couples et des familles. Les opposants ne s’y sont pas trompés quand ils proposent désormais de nous accorder des droits (même le Vatican y vient, espérant encore pouvoir éviter le pire). Tout sauf le mariage ! Tout sauf la filiation ! entonnent-ils en chœur.

Et au fond, ils ont raison, les homophobes, conscients ou inconscients, de se battre pied à pied pour que la citadelle du mariage ne tombe pas. Institution conservatrice et normative s’il en est.

Car, avec l’ouverture du mariage, c’est bien la norme hétérosexuelle elle-même qui tombe.

Venu afficher à l’intention de ses électeurs son opposition au projet de loi, dans le loft républicain qu’était devenu l’hémicycle ces derniers jours, Jean-Charles Taugourdeau, député UMP, nous a fourni une des clés du sentiment de dépossession qui anime si vigoureusement les opposants. « Quand, demain, quelqu’un dira qu’il est marié, on sera obligé de lui demander : Avec qui, un homme ou une femme ? » s’est-il insurgé.

A première vue, la sortie prête à sourire, on a envie de lui objecter oui et alors ? Pourtant, c’est sans doute une des phrases les plus parlantes du débat. Que nous dit-il ce député, si ce n’est que le mariage était un marqueur, peut-être même le marqueur ultime, qui servait, non seulement à différencier mais à hiérarchiser les orientations sexuelles.

Et pour certains, la terreur ne doit pas être très loin, il ne manquerait plus qu’on les prenne pour des pédés !

En effet, se marier, jusqu’ici, pour des Jean-Charles Taugourdeau, c’était affirmer qu’on était un homme. Pour un hétérosexuel masculin, c’était s’afficher comme membre de la caste dominante d’une structure pyramidale.

Voilà pourquoi, ils étaient prêts à sacrifier jusqu’au contenu du mariage du moment qu’on leur laissait l’étiquette.

En la leur retirant, on frôle la castration symbolique ! à cette lumière, l’agressivité avec laquelle, ils défendent ce qu’ils estiment être leur apanage ne doit plus nous étonner.

En outre, parce que ce sentiment mêle à la fois intime et construction inconsciente de l’identité des hétéros, il n’est pas surprenant non plus qu’il génère une forme de solidarité instinctive.

Tant que le mariage était réservé aux couples hétérosexuels il participait de l’affirmation de leur supériorité sur les homos, en s’ouvrant il installe une équivalence.

Et quoi qu’il soit prétendu, c’est bien cette équivalence que les opposants au projet de loi refusent. Qu’il s’agisse de conjugalité ou de filiation.

Car dès que les questions d’adoption et d’état civil ont été abordées, les objections se sont traduites, là encore, par une volonté de hiérarchisation, avec pour seul postulat qu’il était mieux pour un enfant qu’il ait des parents hétérosexuels plutôt qu’homosexuels. Le comble étant l’idée qu’on puisse un jour choisir de confier un enfant à un couple homo plutôt qu’à un couple hétéro.

Là encore la dépossession est analogue. On peut même penser qu’avec la désaffection progressive du mariage, la question de la filiation est venue peu à peu, elle aussi, s’inscrire sur ce terrain symbolique de l’affirmation identitaire.

On devient un homme ou une femme à part entière en devenant parent. Et plus il est difficile de trouver sa place dans la société (de réussir sa vie professionnelle), plus on mise sur la cellule familiale. Plus, il est compliqué de se réaliser, plus on s’attache à une transmission génétique.

Et tout à coup, la société proclame qu’il ne suffit plus d’être hétéros, pour être parents. Encore moins de bons parents. Il faudrait maintenant dans ce domaine-là, aussi, faire ses preuves, donner du sens, là où jusqu’à maintenant on se contentait d’être.

Horreur, crient-ils, vous allez supprimer les mots de père et mère. En fait, nous faisons bien pire. Nous inversons un processus, selon lequel, l’octroi de la qualité de père suffisait à faire d’un homme un père, peu importe quel père vous étiez. Fonction qu’il faudrait désormais investir !

Qu’est ce qu’un mari, qu’est ce qu’une épouse, un père ou une mère ? Nous allons indubitablement, y compris au corps défendant des plus conformistes d’entre nous qui ne demandaient qu’à enfiler des pantoufles, bouleverser des jeux de rôles prédéfinis qui ont bien du mal à se défaire de stéréotypes omniprésents.

Ne serait-ce que du fait, que dans un couple de femmes ou d’hommes, la répartition des rôles ne préexiste pas au couple.

Comme le dénoncent les opposants au projet de loi, les effets de l’ouverture du mariage vont affecter l’ensemble de la société. Ils s’en effraient.

Dans un monde qui échappe à leur contrôle, nous bousculons la sécurité imaginaire d’un ordre immuable. Grâce auquel, ils croient pouvoir chasser l’angoisse du lendemain en s’inscrivant dans une généalogie rassurante. Il en sera de mes enfants comme il en a été de mes parents, depuis toujours, veulent-ils penser, comme accrochés à un doudou.

Cette loi s’inscrit dans un mouvement d’émancipation. En cela, elle s’oppose à la subordination de la loi à un prétendu ordre naturel, piètre avatar d’un ordre hétéropatriarcal occidental et blanc où la place de chacun serait définie par une identité biologique.

L’ouverture du mariage ne leur retire aucun droit mais elle émancipe un peu plus la société française de l’ordre qu’ils entendent lui imposer, un ordre où il n’était pas tolérable qu’un homo puisse avoir la même valeur qu’un hétéro. Elle leur conteste le pouvoir de gouverner nos vies.

Contraints et forcés par nos luttes à nous concéder une place dans l’ombre qu’ils appellent sphère privée, ils devront désormais admettre notre légitimité dans la res publica car c’est ce qu’est le mariage : chose publique.

L’opposition ne cessera pas le combat pour autant. Il suffit de se référer aux luttes pour les droits des femmes ou pour les droits civiques pour mesurer ce qui nous attend encore.

Mais désormais, ce n’est plus l’homosexualité qui est anormale, c’est l’homophobie qui le devient. Ne nous en croyons pas néanmoins débarrassés. Il faudra faire face à des sursauts de violences. Il faudra aussi apprendre à contrer ses visages plus policés, moins aisés à démontrer, à faire entendre et à abattre.

Et surtout nous garder de nous faire nous-mêmes les acteurs d’un système de ségrégation légèrement ravalé dans lequel nous aurions simplement trouvé notre place. Ne pas nous couler dans le costume confortable de nouveaux notables n’est pas le moindre des défis qui s’ouvrent à nous. L’égalité des droits, les droits conjugaux et familiaux, ni même les droits des gays et des lesbiennes ne sauraient être l’alpha et l’oméga de nos mobilisations.

jeudi 31 janvier 2013

L’étrange conception de l’égalité des enfants des opposants à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels




Rompus à l’exercice médiatique, les leaders du front du refus du mariage des couples homosexuels n’étaient pas sans savoir qu’il leur fallait pour se faire entendre habiller leur combat de valeurs positives.

Ils n’ignoraient pas la difficulté de contester frontalement l’exigence d’égalité qui soutenait le projet de loi, il leur fallait donc trouver le moyen de la déconsidérer. A ce jeu, il n’existe rien de mieux que de s’emparer des arguments de ses adversaires pour tenter de les faire siens.

Si, on pouvait ajouter une dimension émotionnelle à cette stratégie, un élément qui en appellerait aux tripes plutôt qu’à la raison, on ne serait pas loin du ticket gagnant.

Soumis à l’aigreur, à la frustration, par l’inéluctable de la défaite, comment auraient-ils pu résister à la tentation d’instrumentaliser les enfants ? Arme ultime, dont rien ne peut égaler la capacité à susciter l’empathie. Qu’y a-t-il de plus noble, de plus partagé et de plus instinctif que la défense de l’enfant ?

Ce serait donc l’égalité des adultes contre l’égalité des enfants, et on sommerait de choisir. Une injonction qu’on nous servirait noyée dans les lieux communs et des formules plus régressives les unes que les autres, empruntant, pour mieux marquer les esprits, au registre enfantin jusqu’à leur énoncé.

Dès lors, on peut exhiber un kit de l’opposant fabriqué dans les standards de la publicité, un décor de fête d’anniversaire pour tout petit, avec des couleurs, des ballons, et même un clown. Prêt à être multidiffusé en boucle par un système audiovisuel qui ne se cache pas de n’avoir pour seule et unique vocation que de préparer les cerveaux à avaler de la réclame.

Les ressorts utilisés ont été mille fois testés par les journaux télévisés. Immédiateté, affect, agitation de peurs primaires, défense d’une cellule familiale prétendument menacée qui se trouve être précisément celle que les agences de communication s’évertuent à mettre en scène à longueur de publicité comme s’il s’agissait du seul modèle possible.

Comment s’étonner dans ces conditions de la complicité objective des écrans où se déversent sans aucune interrogation ni contradiction des contre-vérités simplistes tant il est naturel dans l’audiovisuel français (au contraire de ce qui se passe chez les anglo-saxons ou les scandinaves) de ne pas s’embarrasser d’argumentation ou de vérifications.

Place alors à l’homophobie joviale, souriante, prémâchée et banale.

Au nom de l’égalité des enfants. Mais pas de tous les enfants !

Il est des enfants dont les opposants au mariage des couples homosexuels se moquent éperdument.

Ces enfants à qui, ils refusent la sécurité juridique d’une famille reconnue par la loi. Au nom des droits de l’enfant.

Ceux à qui, ils assènent jour après jour qu’il aurait, selon eux, mieux valu qu’ils aient d’autres parents que les leurs. Que leurs parents ne sont pas légitimes, ne sont pas de "vrais" parents. Au nom des droits de l’enfant.

Ceux à qui, ils voudraient interdire de devenir parents en raison de leur orientation sexuelle et à qui, ils ne cessent de répéter qu’ils ne devraient pas bénéficier une fois adultes des mêmes droits que les autres. Et peu importe si, soumis à ces discours stigmatisants, ils adoptent des conduites à risques, voire se suicident avant même d’atteindre l’âge d’adulte. Au nom des droits de l’enfant.

Ces enfants que leurs parents jetteront à la rue, n’ayant retenu de ces dernières semaines qu’une hiérarchisation des orientations sexuelles. Au nom des droits de l’enfant.

Ceux qui élevés, par des parents célibataires, ne cessent d’entendre que seuls, un papa et une maman, sont à même d’assurer l’équilibre d’un enfant. Au nom des droits de l’enfant.

Ceux à qui leurs parents adoptifs devront expliquer que, contrairement à ce qu’ils entendent à la télé, le lien qui les unit n’a pas moins de valeur qu’une filiation biologique. Au nom des droits de l’enfant.

Ceux qui nés d’une PMA avec don d’un tiers se voient renvoyé à la figure leur filiation non naturelle. Au nom des droits de l’enfant.

Dans un pays où des enfants sont encore placés en centre de rétention, où la police vient parfois arrêter des parents à la sortie des écoles, les raisons de se mobiliser en masse en faveur des droits des enfants ne manquent hélas pas.

Les manifestants du 13 janvier dernier se sont enorgueillis d’avoir organisé une des plus importantes mobilisations des trente dernières années en France. Au nom de l’égalité des enfants.

Combien, on aurait aimé, voir pareille mobilisation s’offusquer du mal-logement dont sont victimes nombre d’enfants. Se scandaliser que des enfants ne mangent pas tous les jours à leur faim. S’assurer que tous les enfants bénéficient d’un égal accès aux soins.

Combien on aimerait voir une telle marche s’organiser pour réclamer une redistribution des aides sociales plus favorable aux familles à revenus modestes.

Au nom de l’égalité des enfants, ces manifestants ne devraient-ils pas demander que davantage de moyens soient attribués en priorité aux écoles des quartiers défavorisés, exiger qu’on y redéploie les meilleurs professeurs ?

Des enfants dorment dans la rue mais ces grands défenseurs de l’égalité des enfants ont préféré marcher contre un projet de loi qui ne prive aucun enfant de ses droits et en sécurisera des milliers d’autres.

Alors non, ils ne défendent pas l’égalité des enfants, ce ne sont pas seulement des hypocrites mais des imposteurs.

L’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels ne modifie en rien les règles de filiation qui s’appliquent aux hétérosexuels.

En revanche, un homosexuel marié pourra adopter l’enfant de son conjoint. Comme peuvent le faire les hétérosexuels. Et d’autre part, les homosexuels qui ont d’ors et déjà le droit d’adopter en tant que célibataires pourront désormais le faire en tant que couple.

Dans certains cas : adoption plénière d’un enfant abandonné ou adoption par une des deux conjointes de l’enfant conçu par son épouse par une PMA avec donneur anonyme (pour les hétéros, le mari est automatiquement considéré comme le père), un enfant pourra donc, en droit avoir deux pères ou deux mères.

En fait, deux aspects du texte indisposent les adversaires du projet :
- la reconnaissance d’une filiation sociale différente de la filiation biologique, ce qui existe déjà dans les cas d’hétérosexuels adoptant ou faisant appel à la PMA (les plus radicaux des opposants refusent même toute filiation non biologique et souhaiteraient interdire aux hétéros comme aux homos l’adoption par des célibataires, l’adoption plénière ainsi que la PMA avec don anonyme).
- la reconnaissance de deux parents de même sexe.

Sur quelle base s’opposent-ils à cette reconnaissance ?

Par un mantra répété jusqu’à plus soif : le désormais fameux : un enfant a droit à un papa et une maman.
En réalité, ce n’est pas un droit, mais un fait. Et il ne s’agit pas d’un père et d’une mère, mais d’un géniteur et d’une génitrice.
Et s’agirait-il d’un droit, qu’ils nous expliquent donc comment ils entendraient alors le faire respecter ? Pensent-ils que l’Etat devrait envoyer la police pour imposer à toute personne (majoritairement des femmes, soit dit en passant) élevant seule un enfant de bien vouloir vivre avec une personne du sexe opposé ?

Comptent-ils par la force obliger les couples de même sexe qui élèvent des enfants à se séparer et à rentrer dans le chemin de l’hétérosexualité ? Peut nous chaut de leur bénédiction. Elle n’est pas nécessaire pour devenir parents. Nous ne leur reconnaissons aucune autorité à distinguer des familles légitimes par opposition à d’autres.

Quant à leur prétention à octroyer l’exclusive de l’universel au modèle de la famille biologique, encore une fois, elle éclaire sur le mépris qu’ils portent à tout ce qui leur est étranger. Il en aurait été ainsi, partout et de tout temps, nous disent-ils en niant sans vergogne toutes les sociétés à l’organisation matrilinéaire. Sans doute ne comptent-elles pas !

Il est ironique que les opposants à l’ouverture du mariage conçoivent l’universel et l’égalité comme autant de discriminations positives dont ils doivent être les seuls à bénéficier.

Ne reste plus que la conviction, quasi ontologique, que les hétérosexuels font de meilleurs parents que les homosexuels.

Rien ne vient étayer cette affirmation, toutes les études réalisées à ce jour montrent que les enfants élevés par des couples homosexuels ne se portent ni mieux ni plus mal que ceux élevés par des hétérosexuels. Nombre d’entre eux sont, par ailleurs adultes et peuvent également témoigner directement. Alors ne doutons pas un seul instant que si les opposants avaient trouvé des études prouvant le contraire, s’ils avaient trouvé une proportion significative d’enfants susceptibles de les aider à crier au loup, ils ne seraient pas privés de nous en faire part à grand renfort de publicité.

La seule chose dont souffrent ces enfants, c’est de l’homophobie, de l’insécurité juridique et des discriminations des couples homosexuels qui les privent de droits réservés aux enfants de couples hétérosexuels.

Et ça, les opposants sont clairs, ils ne veulent pas que ça change. Au nom de l’égalité des enfants !