samedi 15 décembre 2012

Hétéros, quelle société voulez-vous ?




Hétéros, quelle société voulez-vous ?


Confrontée à la question de l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, la droite avait le choix entre plusieurs options stratégiques.

Elle pouvait miser, comme le fait David Cameron au nom des conservateurs britanniques, sur le potentiel d’intégration qu’entraîne une telle réforme. De son point de vue, il est préférable de s’adresser à des individus liés à la société par un ensemble d’engagements et de devoirs conjugaux et familiaux qu’à des individus renvoyés à la marge et susceptibles de développer une attitude hostile au système en place et de s’inscrire dans un mouvement global de lutte pour la justice sociale.

Encourager les gays à se fondre dans les normes prédominantes, c’est les encourager à se solidariser avec une société qui les protège, c’est les transformer en potentiels électeurs conservateurs plutôt que de les voir inventer de nouveaux liens de solidarité et unir leurs forces aux autres mouvements sociaux.

La droite française a choisi une option radicalement opposée. Coincée entre le Front National et le Parti Socialiste, elle a préféré, dans la continuité de sa campagne électorale, s’afficher mainstream, aviver les tensions et instrumentaliser les différences.

Terrorisée à l’idée de se voir dépouillée de son électorat, elle n’a plus qu’une stratégie : attiser les peurs et s’accrocher à ses branches les plus traditionalistes.

La décision du gouvernement de présenter un texte de loi a minima (et d’ors et déjà en recul comparé aux discours de campagne du candidat Hollande) et les contorsions du Président n’ont pu que l’encourager dans cette voie.

Si on compare la mobilisation à droite de toutes les familles réactionnaires et la volonté de l’UMP de s’en remettre à la rue pour instaurer un rapport de force avec le gouvernement à l’asthénie réformatrice de ce dit gouvernement, on mesure alors les équilibres politiques qui sont en train de se jouer à l’occasion de ce texte.

Tandis que PS et UMP patouillent allègrement, il est clair que ni les uns ni les autres n’ont l’intention de s’attaquer réellement au système libéral, tout juste les socialistes entendent-ils concéder quelques ajustements sociaux dont la droite ne souhaite pas s’encombrer.

L’enjeu de la bataille qui se livre désormais autour de ce texte dépasse très largement la simple réparation d’une injustice et la question de l’égalité des droits.

En associant l’UMP aux manifestations contre l’ouverture du mariage, en appelant à y participer, Jean-François Copé a choisi de faire de ce texte une affaire politique. Son calcul est simple, il entend surfer sur le succès éventuel de cette mobilisation pour se projeter porte-parole d’une prétendue majorité silencieuse, espérant ainsi priver le gouvernement de toute légitimité populaire.

On peut d’ailleurs gager que les difficultés qu’il rencontre à l’intérieur de l’UMP sont venues conforter ce choix tactique. Plus sa propre légitimité sera mise à mal, plus il sera tenté de surenchérir à propos du mariage.

Si la droite réussit à contrer la seule réforme un tant soit peu identifiable proposée par la gauche, alors la gauche, du fait de sa seule lâcheté et de son incapacité à se mobiliser elle-même aura perdu dans la rue, les élections qu’elle a gagnées dans les urnes.

Voilà le pari engagé par Jean-François Copé et nombre d’opposants au projet. Rendre impossible le changement. Comment pourrait-on imaginer, le gouvernement, en cas de recul aujourd’hui, se battre demain face à une droite remobilisée, pour le droit de vote des étrangers ou le droit de mourir dans la dignité ? Pour ne citer que deux projets qui demanderont détermination et conviction.

Le 16 décembre, lors de la manifestation pour l’égalité, il ne s’agira pas seulement de défendre les droits des couples homosexuels et de leurs enfants mais de mettre la gauche au pied du mur afin qu’elle fasse le travail pour lequel elle a été élue. Nous n’avons pas voté François Hollande pour le voir appliquer une politique de droite, tant sur le plan économique que social. Il est encore temps de le lui signifier. Nous pouvons encore exiger la fin des renoncements, des reculades. Nous pouvons exiger plus d’ambition, plus de courage, une véritable rupture avec le libéralisme qui ordonne la mort des solidarités.

Ou nous pouvons laisser la droite imposer sa domination idéologique.

Le 16 décembre, nul doute que nombre d’homosexuels battront le pavé. Pédés, gouines, bi, trans, folles, lesbian chic, camionneuses, queer, nounours, séropo ou séronég, jeunes et vieux, célibataires, veufs et veuves, en famille, à la recherche d’une maîtresse ou d’un mari … Certains pour la première fois peut-être. Visibles et fiers. Dans toute notre diversité. Nous n’avons rien à perdre, tout à gagner. Et nous battre seuls, dans l’indifférence, contre la haine, n’est pas nouveau pour nous. Quelles que soient les oppositions, nos revendications n’en seront pas moins justes. Nous, nous ne nous tairons pas.

Mais quand la droite prétend sélectionner les couples qui ont droit à la sécurité et ceux qu’elle écarte, quand elle procède à un tri entre les enfants qui seraient à protéger et les autres, c’est au nom des hétérosexuels.

Ces enfants à qui elle assène que leurs parents sont de mauvais parents, ces enfants que la loi prive d’une partie de leur héritage, ces enfants à qui l’administration répond dans un couloir d’hôpital ou à la sortie de l’école, qu’ils n’ont aucun lien avec la personne qui les élève ou les a élevés. Ces enfants qui se découvrent homosexuels et entendent qu’ils n’ont pas les mêmes droits que les autres, ces enfants qui doivent se construire au mépris des discours de rejet. 
Tous ces enfants-là, c’est en votre nom que la droite prétend s’opposer à leur protection, alors la laisserez-vous affirmer qu’elle parle pour vous ?

Manifestation pour l’égalité, dimanche 16 décembre à 14h, à Paris, place de la Bastille.

cet article a été publié à l'origine par le site d'information Rue89 :


lundi 3 décembre 2012

Ils partirent 100 … engagés pour un calendrier !




On croyait avoir lu dans leur tribune publiée par Mediapart le 27 novembre dernier qu’ils s’engageaient pour l’égalité des droits et l’accès de toutes les femmes à la PMA là maintenant tout de suite, mais voilà que dès le lendemain, sans doute effrayés par leur propre témérité, certains s’empressent de nous apporter quelques précisions.

Ainsi, le 28 novembre, le signataire Matthias Fekl (député de Lot-et-Garonne) explique au Figaro « le gouvernement souhaite dissocier la PMA du texte sur le mariage. C’est quelque chose que j’entends ».

Tandis que le porte-parole du groupe socialiste, Thierry Mandon se dit déjà, prêt à renoncer à la PMA en échange d’un calendrier.

De son côté, Matignon continue d’affirmer que le président s’est engagé pour le mariage pour tous mais que la PMA nécessite un débat de société.

Décidément, il va me falloir sérieusement penser à renouveler mon forfait optique car n’ai-je pas lu dans les documents de campagne présidentielle au rayon lutte contre les discriminations visant les personnes LGBT, je cite « ouvrir à tous les couples, de même sexe ou de sexe différent, l’assistance médicale à la procréation par insémination avec don anonyme » ? Où était le mot débat ?

Tout ça commence à dessiner une stratégie. C’est la saison des calendriers. A accrocher sur le frigo.

Mariage : les députés socialistes se réveillent enfin. Merci François Hollande ?




L’histoire est-elle condamnée à se répéter se demandent les 100 députés socialistes qui s’engagent pour l’égalité des droits dans une tribune publique publiée ce mardi 27 novembre sur le site de Mediapart.

Et si ces députés par cette question entendent mettre en accusation la droite, force est de nous rappeler que l’adoption du Pacs ne se fit pas sans une certaine obstruction à gauche.

Les propos de François Hollande sur la liberté de conscience des maires n’ont pas été sans raviver de douloureux souvenirs.

Le Président, se plaçant dans les pas de Lionel Jospin, n’allait-il pas renouveler avec le mariage le tour de force réussi en 1999 par le gouvernement socialiste de faire adopter le Pacs tout en semant colère et défiance chez nombre d’homosexuels ?

Pour beaucoup, la sortie du chef de l’état (suffisamment commentée par ailleurs pour que je ne revienne pas sur l’aberration d’entendre un Président de la République encourager benoîtement des élus à se décharger de l’application de la loi) a résonné comme une trahison.

Tout à sa volonté d’apparaître comme le défenseur du consensus, François Hollande a non seulement montré qu’il n’avait pas rompu avec l’homophobie sans laquelle on ne peut placer à équivalence de légitimité le droit à trier ses concitoyens en fonction de leur orientation sexuelle et l’exigence d’égalité, mais il a également montré qu’il n’avait toujours pas compris que la question de l’ouverture du mariage est avant tout une question éthique.

Si François Hollande pense que l’égalité peut se vendre à la découpe, morceau par morceau, et croit qu’il peut traiter les gays comme un lobby auquel il suffirait d’octroyer quelques concessions pour les faire entrer dans un jeu d’équilibriste politique, il se trompe lourdement.

Le mouvement gay n’est pas et n’a jamais été un lobby. C’est un mouvement d’émancipation. Ses associations ne se sont jamais battues pour des mesures particulières mais au contraire ont toujours défendu une vision solidaire de la société et l’universalité des droits.

Et c’est ainsi qu’elles ont remporté leurs batailles. Peut-être serait-il temps de reconnaître que tous bénéficient de leurs combats pour une meilleure prise en charge des malades, pour une revalorisation de l’AAH, pour le développement des soins palliatifs et de la prise en compte de la douleur, de la charte du patient hospitalisé, etc ? Qui a la malchance de fréquenter les hôpitaux le constatera aisément. De même, le Pacs ne profite-t-il pas autant (voire plus ?) aux hétéros qu’aux homos ?

Est-ce ce qu’ont enfin compris ces parlementaires socialistes, que les gays ne demandent aucun traitement de faveur mais simplement les mêmes droits que tout un chacun, libres à eux ensuite d’en faire usage ou non ? Que leurs couples, leurs familles et leurs enfants bénéficient des mêmes protections et considération que les autres.

Bien que tentée de ne pas bouder le plaisir du jour, tant les dernières semaines furent difficiles, cette tribune de par son aspect tardif, n’élimine pas toutes les interrogations.

Fait-elle partie de l’opération déminage rendue nécessaire par les propos de François Hollande ?

Traduit-elle un rapport de force au sein du PS ? Et dans ce cas devons-nous nous réjouir du verre à moitié plein et de la mobilisation d’une centaine de parlementaires ou nous rappeler que le groupe socialiste ne compte pas moins de 296 inscrits à l’Assemblée Nationale et 127 au Sénat ?

Seront-ils assez déterminés pour ne pas reculer face à un François Hollande déjà tenté de renvoyer nos mariages dans les placards des Mairies, de ne pas capituler si (ou quand ?) le gouvernement multiplie les lâchetés ? Sauront-ils défendre, plus que le mariage, plus que les droits de nos familles, une certaine idée de la république ?

Ou devrons-nous ranger cette tribune sur les rayons encombrés des promesses qui s’évanouissent et dont nous devrions nous contenter au prétexte que la droite n’en ferait pas tant ?

Puissent ces députés se montrer à la hauteur de leurs engagements. Une seule chose est certaine, plus que jamais la mobilisation s’impose.

Pourquoi ouvrir un blog maintenant ?





Pourquoi sortir de son trou, de ce cocon où la lassitude mais aussi la conviction que c’était désormais à d’autres de prendre le relais et d’inventer les modes d’action d’aujourd’hui m’avaient menée ?

Peut-être l’overdose d’énormités, tout ce blabla autour de l’ouverture du mariage qui au mieux essaie d’habiller l’homophobie de circonvolutions présentables. Y compris dans la bouche de pédés ou de gouines qui ont si bien intégré la norme gris muraille.

Peut-être ce sentiment étrange qui m’a saisie, mercredi dernier devant le siège du PS, en constatant que je connaissais tant de monde à ce rassemblement de colère qui répondait aux déclarations du Président de la République reconnaissant à des maires le droit de ne pas nous marier.

Ça avait un aspect sympathique ce côté amicale des anciens combattants à qui François Hollande avait fourni une occasion de prendre l’air et de se retrouver ! Tous ces militants qui se battaient déjà, il y a 10 ans, il y a 20 ans …
Mais nous n’aurions jamais dû être là. Et s’il fallait être là, nous aurions dû nous fondre dans la masse.

Devoir compter sur les mêmes, sur nos propres forces, encore, ça dit quoi ?

Nous, pédés, gouines, trans, n’avons jamais rien gagné facilement.
Maintenant c’est sûr, cette bataille va durer. Alors, prendre les coups en silence ? Attendre que ça passe ? Subir des discours qui s’imposent à nous ?

Ou une fois de plus, rompre le silence, refuser qu’on parle à notre place ? Dire je, et parler de là où je suis.

Ce n’est pas la première fois que je pense à un blog. Mais la plupart du temps, je me demande pourquoi faire ? Ce que j’ai à dire, d’autres ne l’ont-ils pas déjà dit ? De nombreuses fois ?

C’est là qu’en général, ma femme objecte. Tu as l’impression d’avoir été entendue ?
Dans le bruit ambiant, il faut répéter et répéter encore dit-elle.
Ma femme a souvent raison !

Le pire est de se taire. De ne rien faire.