Au lendemain du vote de
l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, le PS s’est gargarisé d’avoir
réalisé l’égalité[1]. Cette
égalité que scandaient les députés dans l’enceinte de l’Assemblée dans les
minutes qui ont suivi le scrutin validant la loi.
Dans le contexte houleux qui
accompagnait cette ouverture du mariage, les quelques voix qui saluaient
l’adoption du texte mais contestaient cette analyse se sont révélées
inaudibles.
Il y avait pourtant quelque chose
d’indécent à prétendre que la question de l’égalité dans notre pays aurait pu
se résoudre par la seule extension de l’accès à certains droits aux couples
homosexuels.
En outre, comment peut-on parler
d’égalité entre les couples, quand ceux de même sexe sont mis dans l’obligation
d’en passer par le mariage pour bénéficier de droits dont les couples
hétérosexuels jouissent indépendamment de leur statut conjugal ?
Enfin, le gouvernement prétend
avoir sécurisé la situation des enfants qui ne bénéficiaient que d’un seul
parent légalement reconnu, alors que dans les faits, il n’en a ouvert que la
possibilité. C’est ce que vient de rappeler un article[2]
du journal Le Monde, qui confirme ce que
dénonçaient les associations gays et lesbiennes, à savoir que la reconnaissance d’une double filiation de ces enfants
(et notamment pour des enfants conçus par PMA) demeure soumise à l’arbitraire
de la justice.
Aujourd’hui, des couples de
femmes qui ne se sont mariées que dans le but d’offrir à leurs enfants conçus par insémination artificielle une sécurisation de
leurs liens familiaux pourraient se voir notifier par un juge un refus
d’adoption.
En
effet, s’il est prévu qu’au sein du couple marié, l’épouse ou l’époux peut adopter l'enfant de son
conjoint, certains parquets entendent s’opposer à cette possibilité en
instrumentalisant les conditions de conception des enfants.
Quand
des procureurs prétendent, pour refuser des adoptions, invoquer la fraude à la
loi, de façon abusive certes (la loi française n’interdit pas le recours à la
PMA, elle se contente d’en encadrer l’accès sur le territoire français), ce
sont les insuffisances et incohérences du gouvernement qu’ils exploitent.
En évacuant la question de la
PMA, le gouvernement a délibérément choisi d’entretenir une différence entre
parents (en cas de recours à la PMA y compris avec donneur anonyme par un
couple hétérosexuel, nul besoin d’en passer par l’adoption pour faire établir la
filiation) mais aussi entre enfants.
Dans un cadre hétérosexuel, le
projet parental justifie l’établissement de la filiation sans préjuger du lien
biologique, dans un cadre homosexuel cette absence de lien biologique
redeviendrait soudain problématique au point d’en nécessiter l’approbation de
la justice.
Si à technique médicale et statut
marital rigoureusement similaires, la filiation est de droit dans certains cas
et incertaine dans d’autres, où est l’égalité dont se prévalent les
socialistes ?
Cette procédure d’adoption à
posteriori est une épreuve, au sens littéral du terme. Car il n’est pas demandé
de démontrer une capacité potentielle (comme dans les enquêtes classiques
d’agrément) mais de justifier de sa parentalité.
Cette suspicion jetée sur sa qualité
de parent est discriminatoire mais aussi d’une grande violence. Et cette
violence d’état affecte les mères comme les enfants. Car quels que soient les
efforts des parents concernés pour les protéger des effets délétères de ces
procédures, ils ne pourront jamais en être totalement abrités.
En obligeant les mères à partir,
en fonction de leur domiciliation, à la pêche aux attestations de parents,
amis, voisins, médecins, instituteurs certifiant de leur implication, à se
soumettre à des enquêtes sociales, à l’accord des grands-parents, à en passer
par des visites de la police ou des convocations au commissariat, que dit-on
aux enfants de la considération portée à leurs parents ? Quel cas fait-on
de leur sécurité, en ne reconnaissant qu’ils ont deux parents que de longs mois
après leur naissance, le temps que les dossiers soient montés et
examinés ?
En réaction aux réquisitions
défavorables de différents parquets, certains en appellent à la Chancellerie
pour qu’elle émette une directive rappelant l’esprit de la loi Taubira. D’un
point de vue concret, ce serait un moindre mal. Mais ça ne changerait rien à la
violence intrinsèque de ces procédures. Ni à leur dimension lesbophobe. Une
dimension inscrite dans les choix politiques voulus, validés et mis en œuvre par
ce gouvernement.
Aux tartufferies du PS qui
prétend brandir l’égalité pour mieux oublier ces PMA qu’il ne saurait voir, les
témoignages des familles opposent des réalités têtues. Il est plus que temps,
non seulement de permettre à tous et toutes d’accéder aux techniques de
procréation médicalement assistées mais de s’attaquer à une vraie réforme de la
filiation pour l’inscrire sur l’engagement parental
plutôt que sur la biologie, et ce quels que soient le statut matrimonial, le
genre et l’orientation sexuelle des parents.
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