Rompus à l’exercice médiatique,
les leaders du front du refus du mariage des couples homosexuels n’étaient pas
sans savoir qu’il leur fallait pour se faire entendre habiller leur combat de
valeurs positives.
Ils n’ignoraient pas la
difficulté de contester frontalement l’exigence d’égalité qui soutenait le
projet de loi, il leur fallait donc trouver le moyen de la déconsidérer. A ce
jeu, il n’existe rien de mieux que de s’emparer des arguments de ses
adversaires pour tenter de les faire siens.
Si, on pouvait ajouter une
dimension émotionnelle à cette stratégie, un élément qui en appellerait aux
tripes plutôt qu’à la raison, on ne serait pas loin du ticket gagnant.
Soumis à l’aigreur, à la
frustration, par l’inéluctable de la défaite, comment auraient-ils pu résister
à la tentation d’instrumentaliser les enfants ? Arme ultime, dont rien ne
peut égaler la capacité à susciter l’empathie. Qu’y a-t-il de plus noble, de
plus partagé et de plus instinctif que la défense de l’enfant ?
Ce serait donc l’égalité des
adultes contre l’égalité des enfants, et on sommerait de choisir. Une
injonction qu’on nous servirait noyée dans les lieux communs et des formules
plus régressives les unes que les autres, empruntant, pour mieux marquer les
esprits, au registre enfantin jusqu’à leur énoncé.
Dès lors, on peut exhiber un kit
de l’opposant fabriqué dans les standards de la publicité, un décor de fête
d’anniversaire pour tout petit, avec des couleurs, des ballons, et même un
clown. Prêt à être multidiffusé en boucle par un système audiovisuel qui ne se
cache pas de n’avoir pour seule et unique vocation que de préparer les cerveaux
à avaler de la réclame.
Les ressorts utilisés ont été
mille fois testés par les journaux télévisés. Immédiateté, affect, agitation de
peurs primaires, défense d’une cellule familiale prétendument menacée qui se
trouve être précisément celle que les agences de communication s’évertuent à mettre
en scène à longueur de publicité comme s’il s’agissait du seul modèle possible.
Comment s’étonner dans ces
conditions de la complicité objective des écrans où se déversent sans aucune
interrogation ni contradiction des contre-vérités simplistes tant il est
naturel dans l’audiovisuel français (au contraire de ce qui se passe chez les
anglo-saxons ou les scandinaves) de ne pas s’embarrasser d’argumentation ou de
vérifications.
Place alors à l’homophobie
joviale, souriante, prémâchée et banale.
Au nom de l’égalité des
enfants. Mais pas de tous les enfants !
Il est des enfants dont les
opposants au mariage des couples homosexuels se moquent éperdument.
Ces enfants à qui, ils refusent
la sécurité juridique d’une famille reconnue par la loi. Au nom des droits de
l’enfant.
Ceux à qui, ils assènent jour
après jour qu’il aurait, selon eux, mieux valu qu’ils aient d’autres parents
que les leurs. Que leurs parents ne sont pas légitimes, ne sont pas de
"vrais" parents. Au nom des droits de l’enfant.
Ceux à qui, ils voudraient
interdire de devenir parents en raison de leur orientation sexuelle et à qui,
ils ne cessent de répéter qu’ils ne devraient pas bénéficier une fois adultes
des mêmes droits que les autres. Et peu importe si, soumis à ces discours
stigmatisants, ils adoptent des conduites à risques, voire se suicident avant
même d’atteindre l’âge d’adulte. Au nom des droits de l’enfant.
Ces enfants que leurs parents
jetteront à la rue, n’ayant retenu de ces dernières semaines qu’une
hiérarchisation des orientations sexuelles. Au nom des droits de l’enfant.
Ceux qui élevés, par des parents
célibataires, ne cessent d’entendre que seuls, un papa et une maman, sont à
même d’assurer l’équilibre d’un enfant. Au nom des droits de l’enfant.
Ceux à qui leurs parents adoptifs
devront expliquer que, contrairement à ce qu’ils entendent à la télé, le lien
qui les unit n’a pas moins de valeur qu’une filiation biologique. Au nom des
droits de l’enfant.
Ceux qui nés d’une PMA avec don
d’un tiers se voient renvoyé à la figure leur filiation non naturelle. Au nom
des droits de l’enfant.
Dans un pays où des enfants sont
encore placés en centre de rétention, où la police vient parfois arrêter des
parents à la sortie des écoles, les raisons de se mobiliser en masse en faveur
des droits des enfants ne manquent hélas pas.
Les manifestants du 13 janvier
dernier se sont enorgueillis d’avoir organisé une des plus importantes
mobilisations des trente dernières années en France. Au nom de l’égalité des
enfants.
Combien, on aurait aimé, voir
pareille mobilisation s’offusquer du mal-logement dont sont victimes nombre
d’enfants. Se scandaliser que des enfants ne mangent pas tous les jours à leur
faim. S’assurer que tous les enfants bénéficient d’un égal accès aux soins.
Combien on aimerait voir une
telle marche s’organiser pour réclamer une redistribution des aides sociales
plus favorable aux familles à revenus modestes.
Au nom de l’égalité des enfants,
ces manifestants ne devraient-ils pas demander que davantage de moyens soient
attribués en priorité aux écoles des quartiers défavorisés, exiger qu’on y
redéploie les meilleurs professeurs ?
Des enfants dorment dans la rue
mais ces grands défenseurs de l’égalité des enfants ont préféré marcher contre
un projet de loi qui ne prive aucun enfant de ses droits et en sécurisera des
milliers d’autres.
Alors non, ils ne défendent
pas l’égalité des enfants, ce ne sont pas seulement des hypocrites mais des
imposteurs.
L’ouverture du mariage et de
l’adoption aux couples homosexuels ne modifie en rien les règles de filiation
qui s’appliquent aux hétérosexuels.
En revanche, un homosexuel marié
pourra adopter l’enfant de son conjoint. Comme peuvent le faire les
hétérosexuels. Et d’autre part, les homosexuels qui ont d’ors et déjà le droit
d’adopter en tant que célibataires pourront désormais le faire en tant que
couple.
Dans certains cas : adoption
plénière d’un enfant abandonné ou adoption par une des deux conjointes de
l’enfant conçu par son épouse par une PMA avec donneur anonyme (pour les hétéros,
le mari est automatiquement considéré comme le père), un enfant pourra donc, en
droit avoir deux pères ou deux mères.
En fait, deux aspects du texte
indisposent les adversaires du projet :
- la reconnaissance d’une
filiation sociale différente de la filiation biologique, ce qui existe déjà
dans les cas d’hétérosexuels adoptant ou faisant appel à la PMA (les plus
radicaux des opposants refusent même toute filiation non biologique et
souhaiteraient interdire aux hétéros comme aux homos l’adoption par des célibataires,
l’adoption plénière ainsi que la PMA avec don anonyme).
- la reconnaissance de deux
parents de même sexe.
Sur quelle base s’opposent-ils à
cette reconnaissance ?
Par un mantra répété jusqu’à plus
soif : le désormais fameux : un enfant a droit à un papa et une
maman.
En réalité, ce n’est pas un
droit, mais un fait. Et il ne s’agit pas d’un père et d’une mère, mais d’un
géniteur et d’une génitrice.
Et s’agirait-il d’un droit,
qu’ils nous expliquent donc comment ils entendraient alors le faire
respecter ? Pensent-ils que l’Etat devrait envoyer la police pour imposer
à toute personne (majoritairement des femmes, soit dit en passant) élevant
seule un enfant de bien vouloir vivre avec une personne du sexe opposé ?
Comptent-ils par la force obliger
les couples de même sexe qui élèvent des enfants à se séparer et à rentrer dans
le chemin de l’hétérosexualité ? Peut nous chaut de leur bénédiction. Elle
n’est pas nécessaire pour devenir parents. Nous ne leur reconnaissons aucune
autorité à distinguer des familles légitimes par opposition à d’autres.
Quant à leur prétention à
octroyer l’exclusive de l’universel au modèle de la famille biologique, encore
une fois, elle éclaire sur le mépris qu’ils portent à tout ce qui leur est
étranger. Il en aurait été ainsi, partout et de tout temps, nous disent-ils en
niant sans vergogne toutes les sociétés à l’organisation matrilinéaire. Sans
doute ne comptent-elles pas !
Il est ironique que les opposants
à l’ouverture du mariage conçoivent l’universel et l’égalité comme autant de
discriminations positives dont ils doivent être les seuls à bénéficier.
Ne reste plus que la conviction,
quasi ontologique, que les hétérosexuels font de meilleurs parents que les
homosexuels.
Rien ne vient étayer cette
affirmation, toutes les études réalisées à ce jour montrent que les enfants
élevés par des couples homosexuels ne se portent ni mieux ni plus mal que ceux
élevés par des hétérosexuels. Nombre d’entre eux sont, par ailleurs adultes et
peuvent également témoigner directement. Alors ne doutons pas un seul instant
que si les opposants avaient trouvé des études prouvant le contraire, s’ils
avaient trouvé une proportion significative d’enfants susceptibles de les aider
à crier au loup, ils ne seraient pas privés de nous en faire part à grand
renfort de publicité.
La seule chose dont souffrent ces
enfants, c’est de l’homophobie, de l’insécurité juridique et des
discriminations des couples homosexuels qui les privent de droits réservés aux
enfants de couples hétérosexuels.
Et ça, les opposants sont clairs,
ils ne veulent pas que ça change. Au nom de l’égalité des enfants !
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