Combattre l'homophobie que les tags qui fleurissent rendent visible, ce n'est pas s'extasier devant les réactions hypocrites des politiques qui ne font que le minimum en les condamnant et en rénovant la voirie, et nous abreuvent de messages lénifiants sur un amour en marche triomphant.
Il y a paradoxe, à remercier constamment les élus pour le moindre gesticule un peu friendly qu'ils consentent, quand les politiques qu'ils mènent globalement véhiculent le même message que celui des tags dénoncés.
Se battre pour que ces tags soient renvoyés à l'insignifiance collective, pour s'opposer à leurs velléités d'imposer leurs termes et diktats au commun, lutter pour établir un rapport de force qui les renverraient dans les poubelles totalitaires, évidemment.
S'en emparer pour leur faire porter un renversement, montrer ce qu'ils prétendent dissimuler : la volonté de destruction qui les anime. Encore une fois oui.
Mais tomber dans un face-à-face entre des croisés de la domination et nous, c'est se piéger soi-même. Car nous en remettre à des alliances de circonstance, c'est nous priver de mettre en exergue la constance et la continuité des mécanismes qui construisent l'homophobie.
C'est nous empêcher de rendre visible ce qu'il y a de banal, quotidien et systémique à essayer de nous renvoyer au placard et nous réduire au silence par la violence et la contrainte.
Nous devons à la complexité de ne pas nous faire les porte-voix d'une politique de communication et d'exonération qui n'a pas pour objet de nous faire place mais de s'accorder des labels de progressisme et de gagner des parts de marché, électoraux comme touristiques. D'ailleurs leurs maîtres d'oeuvre s'en cachent fort peu.
Non ces tags ne peuvent être réduits à une réaction, ils sont le produit de politiques homophobes, sexistes et racistes.
D'ailleurs plutôt que d'ironiser sur le prétendu insensé de ces tags, nous aurions mieux fait de souligner la continuité politique, raciste, de ce hors de France.
Bien-sur que l'ironie était tentante, avec sa dimension de mise à distance. Mais ce premier sentiment de désamorcer par le ridicule est de court terme.
Ne pas ajouter la violence à la violence nous est quotidien, nous sauvons nos peaux, car sinon comment trouver l'énergie de lutter et d'être, tout simplement, avec la conscience vive que le désir de nous acculer à la disparition est omniprésent et structurant de nos sociétés.
Ça permet aussi de s'auto-convaincre, qu'il n'y a là que le pire, une fraction du réel et non celui-ci.
Mais attardons-nous deux secondes sur le premier slogan tagué sur les arc en ciel municipaux. Sur sa littéralité.
Et cessons de refuser de voir qu'il y a dans ce slogan, certes extrême, une réalité politique dont les agités du « remplacement » sont loin d'avoir le monopole.
La France, et ses frontières, ne peuvent se réduire à une entité physique, géographique dont il faudrait nous bouter, ce sont aussi des représentations culturelles, des institutions, des rapports de pouvoir, des accès au droit commun, aux richesses, aux décisions collectives.
Qu'il y ait à combattre, celles et ceux qui entendent avec force et violence blanchir tout droit à l'existence de celles qui n'appartiennent pas à leurs cercles, aucun doute là dessus.
Pour autant, ne les aidons pas non plus à masquer à coup de peinture, que l'homophobie n'aurait que ce seul visage de son expression caricaturale.
Nous mettre hors de France, ce sont des politiques déjà menées.
Ce sont les expulsions, hors de frontières territoriales, de malades atteints de pathologies lourdes, VIH notamment mais pas seulement, de militants contre le sida, mais pas seulement, d'étranger.e.s demandeurs d'asile mais pas seulement.
Ce sont aussi les expulsions hors du droit commun. Qui vont de la légitimation de la discrimination aux exclusions de l'argent public.
Ce sont les expulsions hors de l'espace public, de la rue aumouvement social, syndical et politique, du système éducatif, sanitaire, avec leurs lots de harcèlements et d'injonctions à l'invisibilité.
Ce sont les expulsions des représentations culturelles, avec ses filtres de censure préalables empêchant l'accès aux moyens de production et les effacements de toutes les subcultures au profit d'une égalité de façade.
Ce sont les violences policières et économiques qui s'abattent sur toute autonomie qui ne fait pas allégeance au NoAlternative.
Nous avons besoin de ressources, nous avons besoin que nos conditions matérielles d'existence changent, Sinon ça ne ressemble à rien d'autre qu'à une France barbouillée de blanc.
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