jeudi 28 juillet 2016

Le quinquennat du qui perd gagne. L’homophobie valeur de rassemblement




La lecture circonstancielle de l’homélie du cardinal André Vingt-Trois a conduit à une forme d’unanimité à y entendre un message d’unité nationale qui s’opposerait aux polémiques et divisions qui ont caractérisé les jours suivants l’attentat de Nice.
Une unanimité que vient à peine entacher les réactions d’internautes, plutôt liés à la communauté LGBT, soulignant à juste titre l’instrumentalisation de ces événements par André Vingt-Trois pour réitérer sa condamnation du Mariage pour tous et réaffirmer l’homophobie constitutive de ses convictions.
Par souci d’apaisement nous dit le diocèse de Paris, un tweet qui mettait en exergue la citation qui focalise le courroux des internautes a été retiré.
Le « souci d’apaisement », c’est décidément le leitmotiv qui caractérise la communication dès qu’il est question des droits des LGBT. Dès qu’il est question de les exclure surtout.
Car le diocèse précise bien que seul le tweet est retiré et que « le Cardinal André Vingt-Trois ne retire pas une citation de son homélie. Il assume parfaitement ce passage comme l'intégralité de ses propos »1.
On retrouve là, ce même « souci d’apaisement » superficiel que partage le gouvernement et qui justifie selon lui l’abandon de l’ouverture de la PMA et des ABCD de l’égalité.
Même vocabulaire, même discours assumé visant à prétendre que les droits des minorités seraient facteurs de division, et qu’il y aurait à y déroger au nom d’un impératif supérieur d’unité.
Voilà donc la violence enveloppée de prétendus modération, dignité et sens de la responsabilité. De ce point de vue hiérarques catholiques et socialistes ont trouvé leur convergence.
On se rappellera d’ailleurs, que c’était de Rome, sans hasard aucun, que Manuel Valls s’était adressé aux catholiques et aux opposants à l’intégration des droits des homosexuels dans le droit commun pour les assurer de l’opposition du gouvernement à tout texte d’ouverture de la procréation médicalement assistée jusqu'à la fin de la législature.

Unanimité politique, médiatique, religieuse, au nom de la nation.

Au qui perd gagne, toute une partie de la réaction peut désormais s’afficher en garante de la cohésion nationale, en autorité morale responsable. Sans que personne ne s’en offusque.

La multiplication des attentats, leur diversification, la dérive sécuritaire, l’implantation durable de l’extrême-droite et les gesticulations de la droite extrémisée imposent peu à peu leurs grilles de lecture, au point que, que l’homélie d’un prélat réactionnaire passe aujourd’hui pour porteuse de valeurs de rassemblement.

L’espérance a un visage, nous a-t-il dit, celui du Christ, l’espérance a un projet, le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple … « Où trouverons-nous la force de faire face aux périls si nous ne pouvons pas nous appuyer sur l’espérance ? »2 nous interroge-t-il ?

Qu’un cardinal, fut-il rétrograde, prêche pour sa paroisse, après tout c’est de bonne guerre, pourrait-on dire, comme s’y laissait aller ce matin une chroniqueuse politique-télé, mais ici médias et politiques s’accordent pour lui donner une autre résonance que confessionnelle et se font les relais de ses ambitions politiques.

En décidant de passer sous silence la violence des attaques d’André Vingt-Trois, puis en persistant en dépit de l’homophobie manifeste de ses propos à présenter son intervention comme porteuse de valeurs de rassemblement, ils se font les complices placides de celles-ci.

Voilà donc le prix idéologique de la gestion politicienne de l’ouverture du mariage, on peut désormais stigmatiser des « déviances », leur attribuer la responsabilité de la dégradation de la société en haine et violence mais prétendre concourir avec la bénédiction de la classe médiatico-politique à une unité nationale dont la condamnation de l’homophobie ne fait pas partie.

Le cardinal de Paris ne s’y trompe pas. Ni excuses, ni réels regrets. Un tweet retiré mais des propos assumés et même plutôt élargis au sein de dénégations de pure forme : "En aucun cas, il ne voulait cibler une mesure en particulier, surtout pas le mariage pour les couples homosexuels. Il ciblait plutôt l'ensemble des évolutions sur la bioéthique, la fin de vie, la gestation", explique le diocèse de Paris. »3

Une écoute un peu attentive de l’homélie d’André Vingt-Trois le confirmera. Les droits LGBT ne sont pas seuls dans le viseur ; il ne fallait pas être grand clerc pour y entendre, par exemple, les attaques à peine dissimulées contre l’IVG.

De la même façon que l’enjeu de la bataille contre le mariage pour tous dépassait très largement la seule question de l’égalité des droits. Il s’agissait aussi de priver le gouvernement de toute légitimité populaire et de celle des urnes, de se projeter porte-parole d’une prétendue majorité silencieuse et de bloquer durablement toutes les réformes notamment sociétales qui aurait demandé détermination et conviction. A trop focaliser, sur la PMA, on oublie que le droit de vote des étrangers ou le droit de mourir dans la dignité en ont par exemple tout autant fait les frais.

Cette ambition retrouvée d’une frange droitière d’imposer à minima ses limites à toute transformation sociale progressiste de la société française a besoin d’acolytes. Les médias et le PS en font office, qui continuent de servir la messe.