mercredi 19 décembre 2018

RIC et homophobie des dominants

En quelques phrases, Alexis Corbière, répondant à une question de la journaliste Danielle Sportiello de LCP sur le mariage pour tous1a fait la démonstration que le problème en matière d'homophobie n'est pas tant le référendum d'initiative citoyenne en lui-même, ni ses corollaires que seraient de présumées demandes et réponses du peuple, mais plutôt l'homophobie des dominants.

L'homophobie comme grammaire transversale.

L'homophobie comme structure institutionnelle, politique et sociale et donc l'homophobie culturelle, celle qui formate jusqu'aux inconscients et permet de s'en croire excepté.

Corbières avait l'occasion de dénoncer celle-ci, de réaffirmer qu'elle est combat permanent et omni-classes mais il a choisi de répondre à la question de la journaliste sans en questionner les attendus.

Il ne la démonte pas, ne s'en saisit pas non plus pour démontrer ce qu'elle révèle qu'entre gens de bonne compagnie, la norme est de se dédouaner de sa part d'homophobie sur le dos du peuple, entendu comme classes subalternes.

Et ses molles défenses, positivistes, basée sur une confiance d'acceptation majoritaire n'y changent rien.

Parce que d'une part, ses propos liminaires relativisent cette confiance en affirmant « de toute manière, si on ne règle pas pacifiquement ces questions-là, toute une série de questions reviendront sous une forme beaucoup plus brutale »2, ce qui revient à acquiescer au potentiel de brutalité homophobe populaire sous-tendu par la question de la journaliste sans en questionner les fondements.

Que d'autre part, il contribue à conditionner la légitimité de la protection des minorités et l'universalité de l'accessibilité aux droits au bon vouloir de la majorité. Une légitimité qui ne serait donc pas de principe mais relative aux rapports de force politiques.

Dans les faits, c'est une réalité. La protection des minorités, leur statut, leurs accès aux droits et à quels droits, leurs vies, sont dépendantes de ces rapports de force.

Alors oui, il faut combattre ce que les propos de Corbière portent de potentiel retour sur des droits partiels acquis de haute lutte, mais nul ne peut nier que ce qu'ils contiennent d'avertissement est au fond, tout à fait su par tous,aucun droit n'est jamais acquis.

Mais il faut tout autant combattre la parole médiatique qui feint de se préoccuper du sort des minorités quand de fait cette puissance médiatique n'a de cesse d'effacer les minorités et de se faire le relai et caisse de résonance de la hiérarchie comme norme et du renvoi des minorités dans, au mieux, une subalternité régie par des degrés de tolérance.

C'est à dire en réalité à travailler de concert avec les représentants politiques à la reproduction et la reconduction de cette subalternité.

Gardons-nous de la facilité de faire de Corbière, de son mouvement, de l'expression populaire (car dans beaucoup de commentaires les trois sont allègrement assimilés) une exceptionnalité. 

Une monstruosité qui trancherait radicalement avec un monde politique de la représentation à ranger dans le progressisme et à affilier à la lutte contre l'homophobie.

Les propos de Corbière, sont, une expression mal dégrossie, qui pour quelques instants oublie de se déguiser.

La colère et surtout s'y opposer sont plus que justifiés.

Mais il y a aussi à se défier que la colère ne nous fasse perdre de vue qu'au delà de la défense des acquis, si ces propos sont à inscrire dans la réaction, celle-ci ne saurait être limitée à son sens traditionnel.

Sinon, nous aurions à nous interroger aussi sur la façon dont nous acceptons de nourrir la bête.

Collectivement, la constellation communautaire a accepté de prendre des revendications pour l'objet de la lutte, s'en remettant aux seules et ponctuelles avancées du droit pour travailler la légitimité de la norme.

« On peut en discuter ! Pourquoi on n’en discuterait pas ? » 

Cette affirmation d'Alexis Corbière à propos du mariage devrait nous renvoyer de façon plus globale aux rapports de force perdus depuis 2012 et au retour d'un consensus dominant et orchestré au sein des classes dirigeantes qui admet l'homophobie en thème de discussion.

Car la réaction, ce ne sont pas seulement des menaces sur des droits acquis, la réaction, c'est aussi la reproduction des mécanismes d'oppressions qui, fonction des rapports de forces, se reconduisent dans des formes adaptées aux nouveaux contextes politiques et pratiques sociales.

L'homophobie,
« On peut en discuter ! Pourquoi on n’en discuterait pas ? » n'est-ce pas ce que Macron et la République En Marche, héritiers du quinquennat Hollande, affirment et surtout mettent en pratique ?

« On peut en discuter ! Pourquoi on n’en discuterait pas ? » n'est-ce pas ce que les médias affirment et surtout mettent en pratique ?

Sans que ne leur soit contesté, ou marginalement, l'étiquette de progressistes.

Alors certes la question du référendum pose celles des rapports de forces politiques, de l'accès à la parole et pour quelle parole, de la protection des minorités et des droits fondamentaux. Mais le référendum n'est pas en soi plus ou moins démocratique que le système de représentation à chaque scrutin plus censitaire, qui envoie au pouvoir un personnel politique qui donne les moyens à la réaction de s'exercer et maintient les minorités dans des droits différenciés. Qui asphyxie la vie associative et détruit les corps intermédiaires plutôt que de leur donner les moyens de se réinventer.

Dans ce contexte, brandir le RIC comme réponse magique ou comme à contrario l'objet de tous les dangers, revient à éteindre une fois de plus réflexion et demande de co-construction de transformation sociale.

Quand tout dispositif demande ses garde-fous et ses contre-pouvoirs.


je ne reviens pas sur la dimension d'illusion hétérosexuelle qui consiste à prétendre que faire des droits des minorités des sujets de débats emprunte à la régulation pacifique, Jérome Martin en a touché quelques mots dans une lettre ouverte publiée sur le site Komitid