lundi 5 mai 2014

L'appel de Rome : PMA & austérité, la convergence




A la veille du 1er mai, le Premier ministre, Manuel Valls, s’adresse-t-il aux travailleurs ? Non. Il se rend officiellement au Vatican pour assister aux canonisations de deux papes, Jean-Paul II (dont l’opposition meurtrière à la capote n’est plus à rappeler) et Jean XXIII. Et, de Rome, s’adresse aux catholiques et aux opposants à l’intégration des droits des homosexuels dans le droit commun pour les assurer de l’opposition du gouvernement à tout texte d’ouverture de la procréation médicalement assistée « jusqu'à la fin de la législature ».

Puis, deux jours plus tard, le même demande aux députés socialistes d’approuver à l’Assemblée nationale son plan de 50 milliards d'économies. Ce scrutin, présenté comme un véritable vote de confiance, était destiné certes à asseoir la légitimité du gouvernement mais il fera surtout date dans l’inscription définitive du Parti socialiste dans le camp libéral.

Ces deux événements ont été chroniqués par la plupart des observateurs comme s’ils n’avaient aucun lien entre eux, si ce n’est de l’ordre du symbolique. Le gouvernement renoncerait à ses réformes de société pour apaiser une population frondeuse qu’il ne parvient pas à convaincre de l’efficacité de ses réformes économiques et sociales.

Assurément il y a déjà beaucoup à critiquer dans cette façon, dont les médias se font assez globalement complices, de présenter l’égalité juridique comme un caprice d’enfants gâtés qui détourneraient avec leurs exigences personnelles des véritables problèmes de la société française. Mais n’y a-t-il pas plus que cela ? La prétendue volonté d’apaiser ne masque-t-elle pas en fait une forme de convergence ?

Car le gouvernement ne s’est pas contenté d’annoncer l’enterrement de réformes promises lors de la campagne électorale. Il a aussi choisi de recevoir des représentants de La manif pour tous dont Ludovine de la Rochère, ancienne chargée de communication de la Fondation Jérôme Lejeune ou encore Frigide Barjot de l’Avenir pour tous et d’en faire subitement des interlocuteurs. Alors même qu’il ne leur avait été opposé, depuis l’adoption de la loi Taubira, que des fins de non-recevoir.

Il y a donc là un véritable choix. D’ailleurs Laurence Rossignol à propos de ces rendez-vous a même évoqué l’idée de « trouver un terrain d’entente sur certains sujets »[1] avec ces interlocuteurs, les propulsant quasiment au rôle de partenaires éventuels.

Or quelles sont les valeurs portées par ces différents groupes si ce n’est la volonté de justifier les inégalités ? Et en particulier l’inégalité des sexes et des sexualités. Volonté de revenir sur l’ouverture du mariage, sur la liberté d’avorter, de s’opposer à la lutte contre les stéréotypes de genre.

Et parce que nous imaginons encore ces valeurs éloignées, en apparence, de celles professées par les socialistes, ce rapprochement reste pensé comme superficiel. Le gouvernement n’aurait qu’un intérêt tactique et ponctuel à redonner légitimité à ces lobbys.

Pourtant ne s’apprête–t-il pas lui-même, avec son plan d’austérité, à renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes ?

Non seulement les femmes seront directement les premières victimes des mesures annoncées : gel des salaires dans la fonction publique, gel des prestations sociales et des pensions, mais elles vont également être convoquées pour pallier aux coupes sombres dans les services publics.

En effet, qui sera en première ligne pour s’occuper des malades que la santé publique prendra moins ou mal en charge ? Pour prendre soin des personnes âgées qui ne pourront payer des maisons de retraite hors de prix ou proposant des services indignes ? Pour garder les enfants à la maison en compensation de crèches jamais ouvertes ? Pour pallier tant bien que mal aux insuffisances d’une éducation nationale dévalorisée ?

Alors, n’y a-t-il pas là une cohérence ?

Le gouvernement a renoncé à transformer la société. Sa politique économique ne s’attaque pas à la pauvreté mais au contraire renforce les dynamiques d’exclusion, les accélère encore.

Travail, santé, éducation, les inégalités sont criantes mais sont désormais présentées comme inévitables. Il n’y aurait pas d’alternative, veut-on nous faire croire.

Alors, quel meilleur moyen quand on se refuse à construire les conditions d’une reconfiguration globale que d’interdire toute interrogation des processus de domination à l’œuvre ?

Favoriser l’émancipation des catégories dominées, ce serait les encourager à interroger le bien-fondé de la politique menée, une politique qui ne tient que parce que chacun reste à sa place. Le Parti socialiste s’est trouvé des alliés sur la base d’intérêts communs bien compris.



[1] http://www.metronews.fr/info/manif-pour-tous-je-ne-suis-pas-la-pour-negocier-previent-laurence-rossignol/mndv!QYY5XOEDJyd/

jeudi 1 mai 2014

La Manif pour tous, le gouvernement & la justice, unis pour priver des enfants de leurs droits





Protéger les enfants disaient-ils l’année dernière. Apaiser, psalmodient-ils aujourd’hui.

De bonnes paroles, censées susciter une adhésion immédiate, empêcher toute réflexion en appelant à notre bon sens : qu’y a-t-il de plus noble, de plus partagé et de plus instinctif que la défense de l’enfant ?  Qui voudrait vivre dans une société qui se déchire ?

Et derrière ce masque patelin, l’homophobie se partage en bonne connivence.

Le 29 avril dernier, le Tribunal de Grande Instance de Versailles s’est senti autorisé par les insuffisances de la loi ouvrant le mariage pour tous pour s’opposer à l’adoption de l’enfant du conjoint dans une famille homoparentale au motif que cet enfant « a été conçu par le biais d’un protocole de procréation médicalement assistée en Belgique ».

S’il fallait démontrer encore l’inégalité de traitement réservée aux enfants des familles homoparentales, le tribunal vient d’en donner une preuve éclatante. Et peu importe que ce n’ait pas été, prétendument, les intentions du législateur. Car même si la décision du tribunal ne devait pas résister à une procédure d’appel, un petit garçon de quatre ans vient de faire les frais du mépris d’un gouvernement qui ne cesse de prétendre que les avancées législatives ouvertes par le mariage pour tous suffisent à ses ambitions de justice.

Soyons clairs, il est des enfants dont les irréductibles opposants au mariage des couples homosexuels, comme le gouvernement se moquent éperdument. Au nom des droits de l’enfant. Au nom de l’apaisement.

Ces enfants à qui, ils refusent la sécurité juridique d’une famille reconnue par la loi.

Ceux à qui, ils assènent jour après jour qu’il aurait, selon eux, mieux valu qu’ils aient d’autres parents que les leurs. Que leurs parents ne sont pas légitimes, ne sont pas de "vrais" parents.

Ceux à qui, ils voudraient interdire de devenir parents en raison de leur orientation sexuelle et à qui, ils ne cessent de répéter qu’ils ne bénéficieront pas une fois adultes des mêmes droits que les autres. Et si, soumis à ces discours stigmatisants, ils adoptent des conduites à risques, voire se suicident avant même d’atteindre l’âge d’adulte, nos alliés s’en laveront les mains.

Ces enfants que leurs parents jetteront à la rue, n’ayant retenu de ces derniers mois qu’une hiérarchisation des orientations sexuelles.

Ceux qui élevés, par des parents célibataires, ne cessent d’entendre que seuls, un papa et une maman, sont à même d’assurer l’équilibre d’un enfant.

Ceux à qui leurs parents adoptifs doivent assurer que, contrairement à ce qu’ils entendent à la télé, le lien qui les unit n’a pas moins de valeur qu’une filiation biologique.

Ceux qui nés d’une PMA avec don d’un tiers se voient renvoyé à la figure leur filiation non naturelle.

Alors non, ils ne défendent pas les droits des enfants. Ce ne sont pas seulement des hypocrites mais des imposteurs.

La seule chose dont souffrent ces enfants, c’est de l’homophobie, de l’insécurité juridique et des discriminations des couples homosexuels qui les privent de droits réservés aux enfants de couples hétérosexuels.

Une homophobie que La Manif pour tous, le gouvernement & la justice, défendent en chœur.