jeudi 30 janvier 2014

Rupture à l’Elysée : transparence ou ingérence ?




Il n’y a pas plus obsédé par le sexe que les tenants de la norme, tel est le constat que je tire du dernier épisode loftique de l’Elysée, mis en scène par les médias.

Un journal a estimé qu’il était de son intérêt de faire chose publique des relations sexuelles du Président de la République. La presse dans son ensemble a emboîté le pas, audimat garanti qu’il n’était pas question de céder aux réseaux sociaux.

Peu m’importe aujourd’hui la couverture invoquée en justification : transparence, part de marché … ou les mécanismes qui ont rendu possible une telle séquence : fonction présidentielle dégradée, statut marital, communication désastreuse, intérêts politiques, commerciaux … Non, j’ai choisi de m’attarder sur l’exigence de clarification.

Exigence ? Le Président de la république était-il dans l’incapacité de remplir ses fonctions ? Parce qu’il ne couche pas où et avec qui les français l’imaginent ? Parce qu’il n’organisait pas sa vie privée selon des critères nous paraissant acceptables ?

Au nom de quoi nous sommes-nous collectivement immiscés dans l’organisation de la vie conjugale de François Hollande et Valérie Trierweiler, les sommant de clarifier la nature de leur relation, si ce n’est avec l’idée qu’il ne saurait exister de relations sexuelles en dehors du couple ?

Nous avons décidé que le statut de la compagne du Président de la République devait se fonder sur des relations sexuelles exclusives, et qu’à côté de cette condition peu importait ce qui unit un couple. Déniant à ce couple tout droit à construire sa relation sur d’autres critères.

Quelles qu’ait pu être la qualité de ce que Hollande et Trierweiler partageaient, les médias et l’opinion publique ont décidé que ne sauraient être pris en considération une éventuelle intimité affective, intellectuelle ou que sais-je d’autre. Qu’il n’était pas admissible que le Président partage sa vie ici et couche là.

Nous avons décidément bien du mal à laisser les uns et les autres décider eux-mêmes et pour eux-mêmes de la nature des liens qui les unissent et à ne pas leur imposer les seuls qui nous agréent.

Alors plutôt que de gloser sur l’inélégance de la rupture, ne devrions-nous pas nous interroger sur notre rôle dans celle-ci quand nous veillons collectivement à imposer nos normes et à nous assurer qu’on s’y conforme.

jeudi 16 janvier 2014

La violence du consensus




L’allégeance de François Hollande aux politiques de droite ne se limite pas à ses propositions économiques (assez largement commentées pour que je ne m’y attarde pas). Sur les questions de société aussi, le Président de la République donne des gages au conservatisme.
L’habileté du Président consiste à habiller ses choix de la délicate et si appréciée tournure du consensus. Pour connue qu’elle soit, la méthode Hollande fonctionne chaque fois que les observateurs lui laissent endosser les habits de l’homme de la synthèse. Au prétexte du rassemblement, il incarnerait ainsi la voie de la modération raisonnable.
L’arnaque fonctionne d’autant mieux qu’elle rencontre une complicité objective des media dont la logique n’est pas très éloignée de celle du Président : s’attacher un auditoire le plus large possible dans une France qu’on imagine conservatrice.
L’exercice est simple, on présente l’objectif à travers des termes positifs, concorde, apaisement, tout en prenant soin au contraire d’habiller l’alternative d’antonymes suggérant le désordre : divisions et polémique.
Et pour mieux s’ériger en arbitre, on forge de fausses équivalences.
Plaçant sur le même plan des actes racistes, illégaux et d’autres qui ne le sont pas, le blasphème : « s'exhiber dans une église »[1]. Comme s’il était indifférent de s’en prendre à des personnes ou de s’attaquer à une institution.
Une demande d’élargissement du droit commun : l’ouverture du mariage et l’autorisation de s’exonérer du respect de la loi : la clause de conscience.
Des mouvements revendiquant le droit pour chacun à disposer de son corps et à décider des conditions de sa propre mort et ceux qui souhaitent imposer aux autres leur refus de cette liberté.
Quand le gouvernement persiste à prétendre qu’il est légitime de questionner l’orientation sexuelle des femmes avant de leur permettre l’accès à la PMA, il ne fait qu’autoriser la discrimination.
Quand il conditionne cette réforme à un futur (et improbable) apaisement de ceux qui la refusent, il ne travaille pas au rassemblement mais autorise une faction bruyante à décider en nos lieux et places de l’organisation de nos modes de vie.
De la même façon, prétendre élaborer un texte sur la fin de vie « sans polémiques, sans divisions et simplement dans l’idée qu’un cheminement est possible pour rassembler toute la société »[2] revient à confier à cette même faction le pouvoir de décider pour l’ensemble de la société de ce qui est acceptable ou non.
Gageons qu’ils sauront faire fructifier cet encouragement présidentiel à contrer cette réforme pour la réduire à peau de chagrin et continuer à imposer en règle universelle leur très catholique morale personnelle.
Interdire à ses concitoyens de disposer librement de leurs corps n’a rien de démocratique.
Nous voici, donc, avec un président de la République qui, d’un ton patelin, défend la discrimination, confond allègrement légal et illégal et réhabilite avec bonhomie, les forces les plus obscurantistes et antirépublicaines de la société.
François Hollande réussit la synthèse entre le pire du système présidentiel : quand un seul homme décide, et celui du système parlementaire : quand une minorité finit par imposer ses idées à la majorité. Ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac, lors des cohabitations avec des majorités qui ne leur étaient pas favorables, n’avaient pour autant renoncé à défendre les valeurs de leurs électorats respectifs.
François Hollande qui lui pourrait s’appuyer sur une majorité qui détient tous les pouvoirs a non seulement choisi de ne pas s’opposer à la domination idéologique de la droite, mais il est en train d’offrir à ses courants les plus violemment réactionnaires un pouvoir que les urnes leur ont refusé. Ils ne se priveront pas d’en abuser.
A trop miser sur une explosion de l’UMP et un affrontement binaire qui verrait s’opposer Front National et un PS incarnant désormais la droite modérée, il pourrait bien n’y avoir que des perdants.



[1]Conférence de presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014, http://www.elysee.fr/conference-de-presse-du-president-de-la-republique-confpr-2/
[2]Conférence de presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014, http://www.elysee.fr/declarations/article/ouverture-de-la-conference-de-presse-du-president-de-la-republique-au-palais-de-l-elysee-le-14-janvier-201/