vendredi 19 octobre 2018

Refuser ce en même temps

Allons-nous collectivement laisser des responsables politiques qui organisent tranquillement la légitimation des discours homophobes et nous jettent ainsi en pâture aux passages à l'acte prévisibles, prétendre qu'ils sont acteurs et alliés de la lutte contre l'homophobie ?

des responsables politiques dont le leader a même encouragé des homophobes à en faire plus,

des responsables politiques,

qui n'ont aucune politique structurelle de lutte contre l'homophobie (ne parlons même pas de lutte contre le sida), en dehors de miettes superficielles, mais qui poursuivent en revanche une politique de précarisation qui nous rend chaque jour plus vulnérables aux manifestations de l'homophobie des médecins, des bailleurs, des patrons, des flics, des familles, des directeurs des EHPAD et maisons de retraite, etc.

qui développent une politique de criminalisation de l'activisme couplée à l'assèchement du soutien public à la vie associative qui vise à faire taire toute résistance et solidarité réelle.

qui mènent une politique raciste qui, pour ne regarder que le petit bout de la lorgnette LGBTQI, écrase les émancipations, expulse et renvoie vers la mort y compris des malades et des LGBTQI dont la vie est directement menacée.

qui entendent circonscrire l'homophobie aux seules brutalités physiques tandis qu'ils dédouanent les discours qui les favorisent ainsi que ses manifestations institutionnelles et structurelles. Limitant leurs insuffisantes réactions aux symptômes et non aux causes. Manifestant des indignations et tolérances différenciées selon que les exclusions de l'espace public s'expriment dans des écoles privées de banlieue chic, des quartiers populaires ou à travers des discriminations au vernis légal.

Et les mêmes qui mènent ces politiques se rendraient à des rassemblements d'initiative communautaire de lutte contre l'homophobie sans qu'il ne soit dénoncé la dimension de marketing politique et la visée d'auto-absolution de cette présence ? Sans que ne soit énoncée leur part de responsabilité dans les violences qui nous frappent ?

Allons-nous les aider à promouvoir leur prétention frauduleuse à prétendre lutter contre leurs propres politiques ? Ces politiques qui produisent les violences et saccagent nos vies.

Combien de temps allons-nous contribuer à recouvrir ces politiques d'un vernis pseudo-progressiste sans lequel elles ne pourraient entretenir une tolérance de masse à l'injustice ?

Allons nous les aider à continuer ces politiques  ?

Ou refuser ce en même temps qui consiste à nous tendre sparadraps et mouchoirs pour panser des plaies qu'ils construisent par ailleurs ?

mercredi 17 octobre 2018

Les acculés



Au rythme des agressions, répondre encore et encore, à des tweets à l'emporte pièce, être dans la réplique systématiquement, parce qu'on ne peut pas laisser passer comme si chaque pierre ne comptait pas, au détriment des réflexions que nous ne menons pas.

Quelles références avons-nous produit sur l'outing dans le contexte d'aujourd'hui qui ne date pas de celui de Mathusalem @TheStoneWallAge ?

Des pédés militent ouvertement au FN, à La Manif Pour Tous, d'autres se font les commis voyageurs d'un libéralisme raciste, homoLesboTransphobe et sexiste, qui écrase méthodiquement les émancipations (et c'est une conséquence logique de nos luttes et conquêtes) mais nous continuons à recycler en boucle des appels polis au coming out comme de vieux DJ égarés sur la RadioNostalgie d'une visibilité qui fut émergente. 
Propulser en représentativité des participants du mensonge d'état d'une lutte contre les discriminations qui n'existe pas - ou seulement en toilettage cosmétique - nous aide-t-il réellement ?
La visibilité de gays et lesbiennes qui s'arrangent de la discrimination systémique (homolesbotransphobe mais aussi classiste et raciste) parce qu'ils et elles peuvent (espèrent) s'en tirer dans leurs niches, non seulement ne me représente pas, mais elle s'inscrit dans des dynamiques qui contribuent aussi à la reconduction de nos oppressions.
Qu'on se comprenne bien, lutter contre l'homophobie, y compris qui les oppresse, j'en suis ; mais on ne lutte pas contre l'homophobie en ne combattant pas les ressorts de la domination, lutter contre l'homophobie, ce n'est pas aménager des ilots de préservation liés au statut social, de race et aux conditions matérielles d'existence.
S'en tenir à une dénonciation ciblée de certaines matérialisations de l'homophobie couplée au déni de celles exercées par les classes dominantes à travers leur politique libérale a également des conséquences directes sur la vie des LGBT et en ça elle participe de la pérennité de l'homophobie.
Des pédés, des gouines, des trans paient de leurs corps et de leurs vies la construction d'une mythologie mixte et contradictoire de victimes faciles et de protégés du pouvoir dont les aspirations à exister seraient source d'humiliation d'un tout aussi mythologique peuple originel à l'intégrité fantasmée qu'il faudrait purger de ses altérités, mais sonnés de coups nous ne parvenons pas à desserrer l'étreinte en spirale mortifère d'un imaginaire qui se nourrit aussi de la propagation d'images nous ramenant à nos tuméfactions et d'appels à s'en remettre à une aide extérieure et à une dépendance à celle-ci qui solidifient tout autant qu'ils les dénoncent la cible chaque jour plus solidement accrochée.

Les jours sombres se nourrissent aussi de cet épuisement qui nous accule.