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mardi 10 septembre 2019

À propos des auditions de ministres par la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique (9 septembre 2019)


Tout d'abord, avant d'aborder plus précisément les questions de filiation, il est à constater que malheureusement, aux questions posées par les députées FI, Danièle Obono et Caroline Fiat concernant le fait que le projet de loi bioéthique refuse sciemment d'aborder les questions de mutilation des enfants intersexes et les opérations non-consenties(Obono) ainsi que les questions de fin de vie (Fiat), 
dans les deux cas, le gouvernement, par la voix d'Agnès Buzyn, a balayé les questions avec la même méthode : 
affirmant que ces questions étaient sans rapport avec la bioéthique et que les dispositifs existants répondaient parfaitement aux situations et que s'ils ne le faisaient pas , c'est que ces dispositifs étaient relativement récents et mal connus.
En gros, ce fut, circulez et faites confiance au pouvoir médical.



Pour ce qui concerne l'accès à laPMA et les questions de filiation, l'audition peut se résumer ainsi :

- exclusion des hommes trans de l'accès à la PMA :
« Dans la vie civile, seule l’identité civile déclarée compte. Une personne née femme déclarée homme à l’état civil, même en ayant gardé son appareil reproducteur féminin, sera considérée comme un homme. Il n’aura pas accès à la PMA » Agnès Buzyn

En revanche si cet homme est en couple avec une femme, il y aura accès à condition que ce soit sa conjointe qui porte l'enfant.

Il s'agit là de protection de la filiation adossée à la vraisemblance biologique, c'est-à-dire de la représentation de l'hétérosexualité cis élevée en référence dans un système qui restera en dépit des ouvertures, hiérarchisé.

Il s'agit aussi de ne pas ébranler le modèle dans lequel, qui, accouche est femme et mère (Cf la GPA qui restera interdite et la méthode Ropa)

-Sur la méthode ROPA: « Pour le gouvernement il s’agit clairement d’un don dirigé d’ovocytes et cela contrevient donc à la loi qui nécessite le strict anonymat entre donneurs et receveurs »
=> il n'est pas question en fait de participer à démontrer que le lien entre accouchement et maternité n'est pas garant de filiation biologique
exclusion de la « pluriparentalité »qualifié de « risque » par Nicole Belloubet reprenant les termes de Xavier Breton : « Je ne vois pas du tout comment on pourrait établir une triple filiation, au regard du Code civil, je pense que là, vous faites un écart par rapport au projet de loi qui, en rien, n’autorise plus de deux parents. »

=> le couple parental doit demeurer central « vous avez soit deux mères, soit un père et une mère, le reste n'est pas possible » (Belloubet )
ou dans tous les cas, l'apport masculin doit demeurer présent, que ce soit par son inscription directe dans la filiation, soit en garantissant que cette inscription duelle dans laquelle il figure demeure la référence.
Dans le cas de la filiation monoparentale ça ne pose pas problème car si la lignée paternelle n'est pas établie, la participation masculine demeure cependant réputée implicite.

Dans le cas de la filiation homoparentale, il s'agit donc de signifier d'une façon ou d'une autre un écart à la norme hétéro cispatriarcale. C'est pourquoi le gouvernement pour l'instant prend bien soin de garder des distinctions de procédures qui la préserve.

Ce qui mène au dernier point :

modalités d'inscription de la filiation pour les couples de femmes :
Nicole Belloubet défend à la fois un acte qui « se rapproche du système mis en place pour les couples hétérosexuels » et « un mode d’établissement de la filiation tout à fait novateur puisque fondé sur l’intention partagée » 

Novateur, certes, mais pas au point de les appliquer à tous les modes de procréation. Ni de renoncer à distinguer entre hétérosexualité et homosexualité. Belloubet nous gratifiant au passage qu'elle prend acte qu'être un couple parental homo ou hétéro n'est pas semblable.

La procédure demeure floue, mais c'est le point sur lequel le gouvernement accorde une marge de manœuvre, qui lui permet de se dire à l'écoute et ouverte aux apports extérieurs, et sur lequel il devrait être possible d'obtenir encore des modifications. A condition d'exercer une pression politique dans ce sens.

D'autant qu'une partie des députés En Marche les réclame.

Néanmoins, à cette heure, les ministres ont multiplié les affirmations allant dans le sens de la distinction et assumé que le gouvernement avait fait le choix politique de se refuser à réformer en profondeur le rapport social à la filiation.

Buzyn ayant d'ailleurs dit clairement que si le gouvernement avait eu cette volonté de transformation, il aurait porté une loi famille et non pas inclus l'ouverture de l'accès à la PMA dans une loi bio-éthique.

La volonté est nette dès lors, de présenter cette ouverture, limitée, non comme une réforme sociétale mais comme une mesure technique d'ajustement à l'état de l'opinion en terme de contours éthiques.

Il est clair à partir de cette audition des ministres, que le gouvernement n'a pas envie d'aller plus loin dans la reconnaissance de l'intention comme fondant la filiation, ni de lui donner réelle équivalence avec la naturalité. La notion de projet parental s'arrêtant aux couples de lesbiennes.

En gros, si la PMA est ouverte aux couples de lesbiennes et aux femmes non-mariées c'est parce qu'il est considéré que ça n'interroge plus radicalement sur ce qu'est le rapport social de la filiation, pour le reste on attendra que les ajustements produisent mécaniquement sur le long terme des évolutions ou que la société le réclame de façon significative politiquement.


On peut écouter ces auditions des ministres sur le site de l'Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/bioethique-audition-d-agnes-buzyn-nicole-belloubet-et-frederique-vidal







jeudi 16 octobre 2014

Gouines, pédés : nous avons rendez-vous à l’Existrans !




Confrontés à la violence que représentaient la dernière parade de La Manif pour tous et l’écho complaisant que lui lui ont offert (et continuent de lui offrir) les médias, nombre d’homos se sont interrogés les dernières semaines sur la façon d’y répliquer. Comment exprimer le refus de baisser la tête ? Comment faire entendre la brutalité de la récusation de la légitimité de nos existences qui prétend se dissimuler sous des atours policés ?

Nous avons été quelques-uns à émettre une espérance. Celle d’une implication collective à donner une dimension visible et conséquente à la 18ème marche de l’Existrans programmée pour ce 18 octobre.

Cependant ne nous y trompons pas, cet appel relayé de voix en voix, par des militants, dans nos média et nos associations ne saurait se réduire à une simple opportunité de calendrier.

De cette marche, nous devons faire un tournant. Attester concrètement de notre mobilisation pour les plus vulnérables d’entre nous au sein de la communauté mouvante que nous prétendons constituer.

Il est question là de notre capacité à discerner les urgences, tout en continuant à nous battre sur de nombreux fronts et temporalités. Il est aussi question de nous relever et de joindre nos forces dans une contre-attaque régénérante.

A mon sens, si nous devions définir collectivement une priorité, la question de l’accès au changement d’état civil libre et gratuit, devrait s’imposer sans aucune hésitation, tant les conséquences de ses modalités de contrôle qu’elles soient judiciaires, médicales, économiques ou sociales sont immédiatement mortifères.

Nous devons nous donner les moyens de notre opposition commune à une violence structurelle et cela passe par une démonstration visible.

Et s’il faut préciser les enjeux de cette marche en tant que spécifiquement pédé ou gouine, il faut le dire clairement cette manifestation est nôtre.

Non pas qu’il faudrait la capter à notre profit, y inscrire nos revendications propres, y brandir notre visibilité, ce qui reviendrait à précisément effacer celle que les trans et Intersexes, en dépit d’obstacles innombrables (et parfois même posés par nous, pédés et gouines) tendent par leurs engagements à construire et faire vivre.

Samedi, nous devons faire nombre. Nous comporter comme des renforts acceptant de se placer sous une bannière que nous n’avons pas à écrire. Commençons par reconnaître que les trans et les intersexes sont en première ligne, plus exposés encore que nous ne le sommes, à la violence et aux discriminations. Notre seul mot d’ordre doit être le soutien. Notre apport, l’amplification d’une légitimité autonome du mouvement trans et Intersexe.

Pourtant, les raisons que nous avons à nous impliquer dépassent la seule solidarité. Tout simplement parce que dans les combats que livrent les trans et les Intersexes, ce sont également nos conditions de vie qui se jouent.

Ceux et celles qui pensent n’êtres pas directement intéressés dans cette lutte, ou seulement de loin, se leurrent.

Les freins, les refus, directs ou dilatoires - y compris ceux qui se veulent emprunts de bienveillance - de faire droit aux revendications des trans et des Intersexes s’inscrivent dans une résistance à l’autonomie de la personne dans son autodétermination. Il est ainsi frappant de constater combien, même chez ceux qui se présentent comme nos alliés et prétendent incarner le progressisme face aux renoncements du Parti socialiste, perdure en réalité une lecture normative des problématiques qui les empêche d’aller au bout de la remise en question des mécanismes structurels qui produisent les discriminations.

Les résistances à la volonté de desserrer l’étau des prédéfinitions imposées et rigides de ce que doivent être un homme et une femme (et nécessairement l’un ou l’autre) sont innombrables et multiformes. Il y a encore loin de la réalisation du célèbre slogan féministe « mon corps, mon choix ».

Savoir si nous voulons une société qui enferme dans des carcans qui préexistent à nos parcours, à nos vies et à ce que nous choisissons d’en faire est affaire commune. Une société qui favorise l’imagination, se nourrit des expressions singulières et les respecte ou s’arqueboute sur un modèle qui se prétend immuable et universel et dans la réalité viole jusqu’à nos corps et nos esprits.



samedi 18 octobre 2014, 18ème Existrans,
la marche des personnes trans et intersexes
et des personnes qui les soutiennent,
au départ de Stalingrad à 14 h
http://existrans.org/

vendredi 10 octobre 2014

La convergence des luttes : un égoïsme salutaire





Il y a une dimension franchement réjouissante dans l’enthousiasme qu’a provoqué dans nos réseaux la sortie sur les écrans français du film Pride. A lire les commentaires qui l’ont accompagnée, on pourrait même croire que l’immense majorité des gays et des lesbiennes seraient de fervents apôtres de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la convergence des luttes.

Que cette sortie en France intervienne après plus de deux ans de désillusions et d’éprouvant matraquage homophobe n’y est certainement pas étranger. Elle tombait à point nommé pour répondre à un besoin évident de comédie, d’insertion et de fierté, un besoin d’autant plus criant qu’elle coïncidait quasiment avec l’énième remontée de lait fielleux de la Manif pour tous. D’ailleurs il semble qu’au crépuscule de ce dernier tapage dominical, nombre d’entre nous aient eu l’idée d’effacer de leurs rétines les images odieuses qu’ils n’avaient pu éviter dans la journée en raison du gracieux concours apportés par les chaînes d’infos continues en allant voir ou revoir la comédie britannique. Ainsi nombre de séances ont semblé afficher complet.

Et quelle meilleure réponse en effet, au sentiment d’impuissance que de se regarder, de se projeter en acteur de la résistance face au conservatisme ? Héros plutôt que cible.

A s’y attarder, ne tient-on pas là (une fois écartés la critique cinéphile et le constant déficit de représentation de l’homosexualité), l’une des clés du succès du film ?

Sur le fond, ne devrait-il pas plus à sa qualité thérapeutique, forme de baume sentimental, qu’à une adhésion politique profonde et concrète à ses enjeux.

Qu’on ne s’y trompe pas, il n’est pas question pour moi de sous-estimer l’importance de la transmission mémorielle et la salutaire nécessité d’imposer des traces visibles de nos histoires dans l’imaginaire commun. Au contraire. Il me semble que c’est une bataille cruciale et trop souvent négligée.

Cependant, force est de reconnaître aussi que la convergence de nos jours, à l’exception d’initiatives embryonnaires vite essoufflées faute de relais, emprunte beaucoup au vœu pieu et peu aux traductions palpables. On y peine à dépasser les généreux et généraux slogans désincarnés.

Nous avons le choix au regard du rappel de ces luttes passées – dont il faut souligner aussi qu’elles furent ultra-minoritaires – de nous contenter de les ériger en glorieuses étoiles mortes ou de nous intéresser à leur potentiel questionnement contemporain.

L’engagement de pédés et de gouines aux côtés des mineurs en grève ne relevait pas de l’émotion ni de l’humanisme mais d’une analyse idéologique. Il ne s’agissait pas de défendre des valeurs abstraites dans un défilé incantatoire ni de se conduire en dames patronnesses un peu exotiques, échangeant le missel contre la follitude mais d’élaborer les conditions politiques d’une opposition commune à la manifestation aiguë d’une violence systémique.

Alors éloignons-nous quelques instants de l’image quasi romanesque de pédés et de gouines, avant-garde héroïque des solidarités transversales, pour en revenir à un présent moins enchanteur.

Il ne suffit pas de vouloir s’opposer à notre oppression pour faire de la politique. Ce n’est pas totalement inexact mais néanmoins un peu court. Et me semble-t-il cette question de la politique est au cœur de nos difficultés d’aujourd’hui. Ou plus exactement la dépolitisation de nos combats.

S’il y a un enseignement que nous devrions tirer de la mobilisation de la Manif pour tous, c’est que les conditions de nos existences sont subordonnées à des rapports de force idéologiques. Les avancées conquises, les promesses d’une gauche d’opposition, la soif d’intégration (et ne soyons pas naïfs non plus, nombre d’entre nous n’ont pas d’autre ambition que de faire corps avec les classes dominantes) ont contribué à nous le faire oublier et à nous illusionner.

A force de seriner la chansonnette de l’égalité, de nous en référer aux droits humains, aux grandes valeurs prétendument portées par cette gauche, nous avons confondu professionnalisation (au sens d’acquisition de compétences) et nous en rapporter au système pour qu’il se réforme. Subordonnant sa critique à la perspective de nous y intégrer et/ou la différant à des échéances futures. Ce faisant, nous n’avons fait que nous affaiblir en tant que corps indépendant, potentiellement contestataire et novateur.

L’indigence socialiste et l’obscurantisme en action se sont chargés de nous rappeler à l’ordre. Et nous voilà coincés dans un paradigme inefficace, qui oppose bons sentiments de gauche contre bon sens de droite. Nos aspirations et nos vies exfiltrées, renvoyées au mieux à une anecdotique périphérie quand nous aurions pu en faire l’élément d’une dynamique de transformation globale.

Comble de l’ironie, au vu de l’énergie qu’elle déploie à nous éliminer du paysage, la droite réactionnaire semble être celle qui a le mieux compris ces enjeux. Et l’intérêt de faire valoir l’impact sur la société toute entière de réformes qui au premier abord ne semblent concerner que nous.

Nous en revanche, continuons à insister sur l’idée qu’elle ne ferait que nous ouvrir des droits et à refuser d’envisager l’opposition et les réticences en termes conflictuels. Nous conforte dans ce choix l’idée que la majorité de la population serait plutôt favorable aux évolutions que nous réclamons. Certes. Mais de fait nous renonçons à impliquer cette majorité au-delà d’une vague indifférence relativement bienveillante, là où seraient nécessaires des actes et de la volonté pour déverrouiller les blocages que s’efforce de solidifier la minorité active de nos opposants.

Cette référence constante au droit finit par devenir tautologique, la revendication, entre personnes de bonne composition, vaudrait en elle-même justification. Et nous cantonnons notre discours à la résolution (nécessaire) de difficultés matérielles et à la morale (l’égalité, c’est bien ; l’exclusion c’est mal) mais nous sommes absents du rapport de force. Ainsi nous contribuons nous-même à minimiser le fait qu’il y a bien en cours un affrontement idéologique substantiel dont l’enjeu nous dépasse et n’est rien de moins que la reconduction de la domination conservatrice sur l’organisation sociale dans son ensemble.

Rendre possible l’action des politiques, c’est les convaincre qu’ils auraient à y gagner ou à tout le moins que le prix de leur inaction serait douloureux. A ce compte-là, les menacer d’une abstention d’un électorat LGBT (même s’il était constitué) s’apparente une plaisanterie.

La convergence des luttes dans cet esprit relève donc d’un nécessaire et salutaire égoïsme. Et l’âpreté des luttes des minorités politiques ne fait qu’en renforcer l’exigence.

Une exigence concrète et oui presque égoïste. Parce que seuls, nous ne pesons pas. Mais aussi parce que nous n’existons pas ex-nihilo, n’en déplaise à certains qui voudraient opposer artificiellement homos et classes populaires, réformes de société et politiques économiques et inscrire dans l’imaginaire collectif qu’il n’y aurait de gays que privilégiés.

Dans la réalité, les vulnérabilités s’ajoutent les unes aux autres et renforcent leurs effets. Eliminer des sources de fragilisation ou des obstacles à l’autonomie (économique, politique et affective) ne peut que permettre de mieux assumer son orientation sexuelle ou son identité de genre et de résister aux pressions, discriminations et violences qui s’exercent sur l’individu en raison de celles-ci.

Plus l’accès au logement, à l’éducation, au travail est compliqué, plus il peut être délicat de faire son coming out. Et inversement comment se défendre, comment porter plainte, en cas de discrimination ou d’agression si tu risques d’y laisser ton job, ton appart, tes solidarités familiales ?

Une exigence politique. Parce que les discriminations et la vulnérabilité des individus sont politiquement et socialement organisées. Et si elles peuvent paraître au premier regard sans liens apparents, elles sont en fait le résultat d’une même logique qui permet à quelques-uns de s’approprier richesses et privilèges aux dépens d’une majorité dont on organise la précarité.

Maintenir des individus dans des statuts de fragilité par rapport à la norme (lié à leur identité sociale, leur situation économique, leur origine, leur sexe ou leur orientation sexuelle), c’est les empêcher y compris matériellement de remettre en question individuellement et collectivement les conditions de vie qui leur sont faites et les institutions qui les produisent.

Ce sont les mêmes forces qui s’opposent aux luttes sociales, économiques et sociétales, au service d’un même système de domination. La fragmentation des luttes permet de mieux les juguler, voire de les opposer artificiellement et de maintenir un équilibre favorable au maintien de ce système.

En outre, la casse des solidarités qu’elles soient politiques ou publiques permet de proposer en leur lieu et place des alternatives commerciales dont l’objectif premier devient la rentabilité au profit de leurs actionnaires et ne bénéficient qu’à une minorité en capacité de se les offrir. Une organisation qui en retour, contribue à conforter encore la dynamique inégalitaire de la société.

Alors le succès de Pride était-il cinématographique ? Thérapeutique ? Ponctuel ? Flattait-il seulement nos fiertés malmenées ? Ou portons-nous vraiment le désir de nous opposer à cette dynamique inégalitaire dès lors qu’elle ne nous agresse pas au premier chef ? Et l’oublions-nous dès qu’elle s’éloigne un tant soit peu de nos personnes ? Une occasion nous est donnée de répondre dès le 18 octobre prochain. LGBT, psalmodions-nous. Ce jour-là à Paris, les trans et les intersexes, qui plus encore que les pédés et les gouines paient le prix des reculs des gouvernements socialistes seront dans la rue pour essayer d’arracher au moins le changement d’état-civil libre et gratuit sans condition médicale ni homologation par un juge.

Allons-nous faire front ?




samedi 18 octobre 2014, 18ème Existrans,
la marche des personnes trans et intersexes
et des personnes qui les soutiennent,
au départ de Stalingrad à 14 h
http://existrans.org/

jeudi 23 mai 2013

Fierté 2013 : des mariages et un enterrement ?





C’est beau des députés qui scandent "égalité, égalité" dans une enceinte parlementaire. On verse une larme, puis on s’offre des fleurs, on s’auto-congratule en versant le champagne, et après tout on l’a bien mérité, cet instant de bonheur, ce droit d’associer le printemps à des parfums de joie plutôt qu’à des remontées nauséabondes.

Mais sous les clameurs, en fond, persiste une petite note discordante, que d’aucuns voudraient étouffer. Elle prend la couleur de trois lettres, PMA, qui s’affichent sur des pancartes et deviennent emblématiques de renoncements qui la dépassent.

Il ne faut guère patienter longtemps pour entendre le Président de la République, le Premier Ministre, la ministre de la Famille et même le président de l’Assemblée Nationale - rien que ça ! – reprendre en chœur le nouvel hymne officiel : fermez le ban, l’heure est désormais à l’apaisement.

Passage en force contre cohésion sociale, opposition des réformes sociétales aux réformes économiques, les logiques et les mots sont ceux du refus de nos unions, et nous voilà priés de nous concentrer sur nos listes de mariage plutôt qu’à celles de nos revendications.

Quand la droite arrive au pouvoir, elle n’a aucun complexe à appliquer la politique pour laquelle son électorat l’a choisie. Tandis que les socialistes semblent toujours vouloir donner des gages à leurs opposants. Accepter et se mesurer aux règles et références de ces derniers. Comme s’il n’y avait de consensus possible que dans leur cadre, le cadre d’une économie libérale et d’une morale conservatrice.

Ce faisant, ils ne font qu’encourager la droite à instruire un incessant procès en illégitimité. Et nous perdons sur tous les tableaux, non seulement les réformes sont, à plus ou moins court terme, abandonnées ou amputées mais qui plus est, la droite même battue, peut continuer à imposer ses valeurs en référence.

Or si nos idées cessent d’être portées. Comment les faire avancer ?

François Hollande a choisi sa posture présidentielle ; naguère il se voulait l’homme de la synthèse au parti socialiste, aujourd’hui il prétend incarner le compromis raisonnable. Comme si s’affrontaient des forces équivalentes qu’il lui revenait d’arbitrer, incarnant ainsi le seul équilibre possible.

Dès lors, le système présidentiel fait ses ravages. Le parti socialiste enfermé dans sa position de parti du Président ne peut que s’incliner, les Verts et le Front de Gauche quasi inexistants au Parlement sont renvoyés au chimérique et la gauche n’est plus politiquement représentée.

Comment s’étonner alors que le système politique ne cesse de se déporter vers la droite. Quand le candidat élu par la gauche pour porter une alternative n’a pour seule ambition que d’offrir au néolibéralisme un visage plus humain.

Sans grandes illusions sur les perspectives de changements réels sur le plan économique qu’ouvrait l’élection d’un François Hollande, pouvait-on vraiment espérer que celui-ci se montre plus audacieux sur le plan sociétal et s’oppose au moins dans ce domaine aux résistances du conservatisme ? Là encore, il faudra se contenter du plus petit des dénominateurs.

Alors, allons-nous nous montrer raisonnables ? comme le Président pour qui le déferlement d’homophobie de ces derniers mois participe d’un débat légitime où « toutes les opinions doivent être respectées, toutes les sensibilités »[1]

Allons-nous accepter de brader nos droits au nom d’une conception de la paix sociale qui admet qu’on nous violente institutionnellement, verbalement et physiquement ? Allons-nous nous contenter de protester avec une vigueur désormais toute socialiste ?

Et puisqu’il n’est plus question d’égalité, quelle petite musique va entonner la marche des fiertés ?
Que vont faire nos lobbyistes patentés ? Adopter l’agenda gouvernemental et son analyse de la situation ? Cette nécessité d’apaisement ?
Nous assurer qu’ils travaillent, discutent, déploient force convictions dans les corridors et antichambres des ministères. Et qu’en attendant que ce travail de fourmi paie, il faut être réaliste, ne pas faire de vagues.

Ce message-là ne devrait pas être difficile à mettre en musique, entre ceux qui n’ont qu’une envie de fête et ceux qui ont désespérément besoin de souffler, de se refaire une santé …

Pour le principe, on placera l’égalité sur nos banderoles. On glissera la PMA dans nos communiqués. On n’oubliera pas le T, dans nos signatures.

Et pour entretenir le moral des troupes, on organisera un concert, reléguant les revendications dans l’ombre de la célébration. Un couple à succès ! Vedette prévisible de la marche de juin.

Une Pride dont le mot d’ordre aurait pu être les droits des trans, grands oubliés de cette longue route vers le mariage. Tous, pédés, bi, lesbiennes & trans, unis derrière ce seul mot d’ordre, ça aurait eu de la gueule. Voilà qui aurait donné un peu de corps, un peu de crédibilité à la marque LGBT. Ne serait-il pas temps d’afficher un peu de solidarité entre communautés ? D’honorer une dette historique envers les trans qui furent les premiers à se lever dans un mouvement dont nous touchons aujourd’hui des dividendes ?

Ou bien ne pourrait-on imaginer et réaliser une gigantesque banderole inaugurale n’affichant que 3 lettres, PMA, et des centaines de lesbiennes aux premiers rangs de la manifestation ? Pour signifier irréfutablement notre refus d’une égalité tronquée.

Parions plutôt sur l’orthodoxie du cortège de tête. Avec une banderole se réclamant de l’égalité portée par ceux-là mêmes qui nous demandent d’y surseoir. Et que nous retrouverons sur les photos des premiers mariages (réussis ou perturbés), ces noces que les chaînes d’informations, après avoir multidiffusé ceux qui s’y opposaient, trouveront pour un temps tout à fait télévisuelles et divertissantes.

En acceptant de nous réjouir avec les représentants du gouvernement, en adoptant la stratégie du compagnonnage (une conception de la politique qui a tellement bien réussi à SOS Racisme), nous admettons nous en remettre à leur gestion du calendrier et renonçons à essayer de développer les conditions nécessaires à l’aboutissement de nos revendications.

Quand le chef de l’état entend gérer la politique comme un arbitrage entre différentes formes de pression de la société, en renonçant à la fois à installer les conditions de cette pression de notre part dans la sphère du débat public et à faire de la politique ailleurs que dans les structures et logiques traditionnelles, nous abdiquons toute autonomie pour nous en remettre à la bonne volonté de ceux qui nous gouvernent. Charge à eux de déterminer le moment où ils jugeront que l’équilibre politique serait devenu plus favorable.

Mais quels moyens nous donnons-nous pour travailler à modifier cet équilibre ?

Les politiques ne peuvent être les seuls acteurs de la politique. Et la droite la seule à faire entendre ses exigences. Comment le silence pourrait-il contribuer à faire évoluer les perceptions des uns et des autres sur des revendications devenues invisibles ? Comment faire valoir nos arguments s’ils demeurent confidentiels ?

Si les Gay Pride ont toujours été festives, c’est parce que le sens même de cette détermination joyeuse est politique, c’est parce que nous y avons toujours partagé le refus de nous taire, le refus de l’ombre et de l’invisible. Y compris dans les périodes les plus sombres, nous avons toujours opposé la force de nos vies aux volontés de nous enterrer. Notre émancipation ne tient qu’au fil de notre expression.

Quand nos opposants ont obtenu du gouvernement qu’il recule sur la PMA et réussi à instaurer un climat d’homophobie délétère, nous n’aurions rien d’autre à proposer que de nous faire discrets ?

Et l’égalité, on en fait quoi pendant ce temps-là ? On négocie avec la SNCF, quoi ? un geste ? des tarifs spéciaux sur les Thalys ? On les baptisera abonnements égalité !

En attendant, ah oui, le mariage ! ce ne sont quand même pas quelques gouines qui vont gâcher la fête !



[1] François Hollande, conférence de presse du 16 mai 2013