Ils tempêtent, dénoncent,
s’emportent, crient au déni de démocratie et réclament la désactivation du Wifi
au sein de l’hémicycle.
Si les députés de l’opposition
s’offusquent ainsi, ce n’est pas seulement en raison du « malaise d’une
génération de députés devant un outil technologique qu’elle ne maîtrise
pas » que soulignait Mathieu Deslandes
dans Rue89 (04/02/2013) mais aussi et surtout parce que la circulation de
l’information générée par les réseaux sociaux échappe à leur contrôle et
contrarie leur stratégie.
Une stratégie élaborée pour
répondre aux règles propres à l’Assemblée tout en s’assurant le meilleur écho
possible d’arguments choisis.
Depuis que le débat est entré
dans sa phase d’examen des articles du projet de loi et de la multitude
d’amendements qui les accompagnent, l’opposition s’appuie principalement sur
trois idées :
- monopoliser la parole dans
l’Assemblée de façon à dicter ses thèmes aux résumés médiatiques et à imposer
les héros du jour à des journalistes soumis aux formats courts qui sont
désormais la règle.
- contraindre la majorité au
silence et à la frustration, et multiplier les provocations en espérant le
dérapage d’un de ses membres.
- réserver l’appréhension globale
des débats à un cercle restreint d’initiés. Filtrer les excès ainsi que les
invectives, les insultes les plus virulentes que ne captent pas les micros de
la Chaîne Parlementaire et qui ne laissent pas toujours de trace dans les
comptes-rendus officiels.
L’engouement suscité par la
possibilité pour l’individu lambda de suivre en direct et en intégralité les
débats et de partager en temps réel ses réactions et ses interrogations vient
bouleverser cette façon bien commode de mener les débats entre soi. Car si les
séances sont publiques n’y assistent que quelques dizaines de personnes. Et la
règle du silence s’impose au public.
Sur les réseaux, on échange, on
interroge et rebondit en temps réel. Le décryptage échappe aux filtres
traditionnels et fait appel à des ressources que ne contrôlent pas les
politiques.
Le ton y est libre, vivant, et
c’est ce bouillonnement qui permet aussi aux twittos & internautes de ne
pas se lasser et de tenir la durée des débats. Les références sont multiples,
les expertises diverses et on trouve sur ce forum multiforme aussi bien des
vieux observateurs de la politique que des novices découvrant pour la première
fois la mécanique parlementaire.
Evidemment 140 signes ne
suffisent pas à développer de longs argumentaires mais les utilisateurs de
twitter n’hésitent pas à se renvoyer à des liens permettant de consulter des
références ou des textes documentés.
Et certains députés eux-mêmes
répondent patiemment aux interrogations et fournissent explications sur le
règlement, les articles de lois ou de la constitution évoqués par les orateurs.
Le texte de loi se prête mieux
que d’autres à ce succès, il n’est pas trop technique et, la plupart du temps,
les députés font moins appel au droit qu’à des valeurs. Chacun peut donc
facilement s’y intéresser.
Alors pourquoi cet intérêt pour
la chose publique et le débat politique dont devrait se réjouir la classe
politique inquiète-t-il autant la droite parlementaire ?
Parce que les députés de gauche
ont trouvé un exutoire à la frustration et peuvent ainsi relâcher la pression,
ailleurs que dans l’hémicycle et même si s’exprimer sur Twitter ne préserve pas
du dérapage, le risque y est toutefois moindre
Parce que, quels que soient les
défauts et les limites des réseaux sociaux, ils permettent au débat de se
développer dans un cadre différent de celui, prévu et maîtrisé par les
professionnels de la politique.
Et cette indépendance effraie,
car quand le peuple décide de se passionner et de s’informer, il arrive que le
scénario ne corresponde pas aux storytelling élaborés par la classe politique.
Le référendum sur la constitution européenne en a fait la preuve.
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