mercredi 6 février 2013

Si Twitter affole la droite, c’est parce qu’il sabote ses vieilles ficelles de communication politique




Ils tempêtent, dénoncent, s’emportent, crient au déni de démocratie et réclament la désactivation du Wifi au sein de l’hémicycle.
Si les députés de l’opposition s’offusquent ainsi, ce n’est pas seulement en raison du « malaise d’une génération de députés devant un outil technologique qu’elle ne maîtrise pas » que soulignait Mathieu Deslandes dans Rue89 (04/02/2013) mais aussi et surtout parce que la circulation de l’information générée par les réseaux sociaux échappe à leur contrôle et contrarie leur stratégie.

Une stratégie élaborée pour répondre aux règles propres à l’Assemblée tout en s’assurant le meilleur écho possible d’arguments choisis.

Depuis que le débat est entré dans sa phase d’examen des articles du projet de loi et de la multitude d’amendements qui les accompagnent, l’opposition s’appuie principalement sur trois idées :

- monopoliser la parole dans l’Assemblée de façon à dicter ses thèmes aux résumés médiatiques et à imposer les héros du jour à des journalistes soumis aux formats courts qui sont désormais la règle.

- contraindre la majorité au silence et à la frustration, et multiplier les provocations en espérant le dérapage d’un de ses membres.

- réserver l’appréhension globale des débats à un cercle restreint d’initiés. Filtrer les excès ainsi que les invectives, les insultes les plus virulentes que ne captent pas les micros de la Chaîne Parlementaire et qui ne laissent pas toujours de trace dans les comptes-rendus officiels.

L’engouement suscité par la possibilité pour l’individu lambda de suivre en direct et en intégralité les débats et de partager en temps réel ses réactions et ses interrogations vient bouleverser cette façon bien commode de mener les débats entre soi. Car si les séances sont publiques n’y assistent que quelques dizaines de personnes. Et la règle du silence s’impose au public.

Sur les réseaux, on échange, on interroge et rebondit en temps réel. Le décryptage échappe aux filtres traditionnels et fait appel à des ressources que ne contrôlent pas les politiques.

Le ton y est libre, vivant, et c’est ce bouillonnement qui permet aussi aux twittos & internautes de ne pas se lasser et de tenir la durée des débats. Les références sont multiples, les expertises diverses et on trouve sur ce forum multiforme aussi bien des vieux observateurs de la politique que des novices découvrant pour la première fois la mécanique parlementaire.

Evidemment 140 signes ne suffisent pas à développer de longs argumentaires mais les utilisateurs de twitter n’hésitent pas à se renvoyer à des liens permettant de consulter des références ou des textes documentés.

Et certains députés eux-mêmes répondent patiemment aux interrogations et fournissent explications sur le règlement, les articles de lois ou de la constitution évoqués par les orateurs.

Le texte de loi se prête mieux que d’autres à ce succès, il n’est pas trop technique et, la plupart du temps, les députés font moins appel au droit qu’à des valeurs. Chacun peut donc facilement s’y intéresser.

Alors pourquoi cet intérêt pour la chose publique et le débat politique dont devrait se réjouir la classe politique inquiète-t-il autant la droite parlementaire ?

Parce que les députés de gauche ont trouvé un exutoire à la frustration et peuvent ainsi relâcher la pression, ailleurs que dans l’hémicycle et même si s’exprimer sur Twitter ne préserve pas du dérapage, le risque y est toutefois moindre

Parce que, quels que soient les défauts et les limites des réseaux sociaux, ils permettent au débat de se développer dans un cadre différent de celui, prévu et maîtrisé par les professionnels de la politique.

Et cette indépendance effraie, car quand le peuple décide de se passionner et de s’informer, il arrive que le scénario ne corresponde pas aux storytelling élaborés par la classe politique. Le référendum sur la constitution européenne en a fait la preuve.

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