L’obstruction
parlementaire menée par l’opposition (contre le mariage des couples de même
sexe), ses outrances, l’affichage d’un conservatisme caricatural, les
références constantes à une "loi naturelle" ont eu une vertu
vivifiante pour les députés socialistes.
L’introduction
du débat, la défense des différentes motions de procédure, la discussion
générale ont pris des airs de séminaire de ressourcement.
Les
rapports de force politique étant définis par avance, l’opposition ne peut
guère escompter empêcher l’adoption d’un texte voulu par la majorité. Dans ce
cas précis, elle caressait peut-être, avant que ne débutent les discussions,
l’idée d’exploiter les réticences exprimées par quelques parlementaires de gauche
mais elle se sait trop minoritaire à l’Assemblée pour y croire vraiment (en
revanche, elle veut encore penser qu’il pourrait en être autrement au Sénat où
la majorité de gauche est bien plus étroite).
C’est
pourquoi, les séances publiques à l’Assemblée s’apparentent très souvent à des
représentations théâtrales, la réalité du travail législatif, s’étant
effectuée, pour sa plus grande part, en amont.
Il
s’agit surtout pour chacun de proclamer, voire de surjouer sa position.
Certains
textes, à forte charge symbolique, prennent alors des airs de super
productions. Avec leurs lots de premiers rôles, de héros, récurrents ou
éphémères, et de figurants condamnés à faire nombre des heures et des heures.
Les mieux lotis d’entre eux accédant à leurs 2 minutes d’expression. Dans ce
contexte, ils ne sont pas les derniers à rêver de la réplique bien sentie.
Les
premières heures, les deux camps se livrent à une surenchère de marqueurs
idéologiques dans une course à l’affirmation identitaire.
Chaque
alternance mène à l’Assemblée son contingent de députés novices, qui ont
découvert ces derniers jours l’atmosphère enivrante des combats frontaux. Mais
ils ne sont pas les seuls à s’enflammer.
L’exacerbation
des antagonismes libère la parole de tous les députés. Ce n’est pas sans
risque, et même les plus aguerris peuvent s’y laisser emporter. C’est
d’ailleurs une des rares armes à la disposition de l’opposition, provoquer le
dérapage, la sortie non contrôlée, l’incident de séance dont elle pourra
ensuite se faire l’écho sans modération. Elle doit, à tout prix, pour exister
exporter les débats hors de l’hémicycle, organiser leur publicité sur les
plateaux de télévision, au micro des radios, provoquer un battage médiatique.
Sans se fracasser sur ses propres débordements.
Cette
mise en scène, cette dramatisation ostentatoire ont pour effet, dans les
premières heures du débat de renvoyer chacun dans son camp.
Si
les députés socialistes pouvaient, légitimement me semble-t-il, s’interroger
sur ce qui les différencie de la droite, tant la frontière entre leurs
politiques économiques est devenue floue, jusqu’à leurs propres yeux,
l’empressement de leurs collègues de l’opposition à enfiler le costume qui leur
étaient promis de vieux réacs arqueboutés sur un ordre naturel, sexiste et
patriarcal est venu les rassurer sur leur altérité.
Ainsi,
face aux excès, à la mauvaise foi et aux amendements insultants, ils ne
défendaient pas tant le projet de loi que leur propre identité. La fierté avec
laquelle ils montaient à la tribune tranchait d’ailleurs avec la discrétion
dont ils avaient pu faire preuve ces derniers mois. Certes leur engagement est
réconfortant mais on aurait aimé qu’ils expriment leur indignation avec la même
conviction quand les attaques les dédaignaient pour se concentrer sur nous, et
pas seulement pour leur permettre d’affirmer leur différence.
Il
est des débats parlementaires qui permettent ainsi à chaque camp de se
ressouder, à chaque député de se persuader de son utilité, et de se sentir, ne
serait-ce que quelques heures, quelques jours, acteur de l’histoire.
Le
projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est
indéniablement de ceux-là. Ça ne dispense pas pour autant de mettre les mains
dans le cambouis.
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