jeudi 3 novembre 2016

Les mots justes



Les mots justes

Non seulement les gouvernements Hollande auront-ils sacrifié toute une partie de nos droits, renoncé à l'émancipation et à l'éducation populaire, mais ils auront fait reculé la lutte contre l'homophobie, transformant celle-ci en clause de conscience et (re)fait de nous des cibles.

Manifester pour refuser aux homosexuels de bénéficier des mêmes droits que les hétérosexuels et s'opposer à l'éducation aux stéréotypes de genre n'est donc pas une manifestation d'hostilité à l'égard des homosexuels.

En revanche estimer le contraire est visiblement, pour la cour d'appel de Paris1, pas une opinion et ne relève pas de la liberté d'expression, mais est à l'inverse donc, une manifestation d'hostilité que cette cour a qualifiée d'injure.

Cette décision revient à estimer qu'appeler à la discrimination n'est pas condamnable mais la dénonciation de ce fait, elle, l'est.

La Manif pour tous a bien compris l'importance de cet enjeu de la définition de l'homophobie. Dès sa structuration, elle s'est efforcée de déguiser sous des atours aimables, tout en ballons et colifichets régressifs, la violence de propos qui ne font qu'affirmer une hiérarchie des orientations sexuelles. Hiérarchie qui commençait à devenir socialement et culturellement condamnable.

Cette bataille est avant tout culturelle et politique, si ils et elles ne veulent pas qu'on les traite d'homophobes, ce n'est pas parce qu'ils n'assument pas leur homophobie, c'est parce que dans le moment politique que nous traversons, il est plus intéressant d'en restreindre la portée jusqu'à priver le concept de toute utilité politique.

La manœuvre fonctionne et la justice, après les politiques et les médias qui s'étaient vautrés dans ce barnum, emboite le pas. Les institutions n'ont jamais été nos alliés, et tout changement qui y est porté, l'est toujours en partie parce que nous les y avons contraints. Rien ne nous a jamais été donné, tout a été conquis.

Les plaintes2 de la Manif pour tous sont du même ressort que ses ballons. Il ne s'agit que d'appliquer à la politique les méthodes de la prestidigitation. Tu la vois la violence ? Abracadabra, psalmodions formules incantatoires qui paraissent innocentes, parons les de couleurs joyeuses, et le tour est joué, la violence, l'agression, ne seraient pas leur, mais dans le fait de s'y opposer.

Lorsque le terme homophobie a été forgé, c'était en pleine conscience qu'il y avait nécessité à nommer les mécanismes d'exclusion. Peu à peu nous avons, de haute lutte, réussi à l'imposer. Mais au fur et à mesure qu'il entrait dans le vocabulaire commun, nous avons perdu de vue que son usage, sa définition, son périmètre dépendent de rapports de force.

Imposer ses propres termes n'a rien d'anodin : c'est dicter ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Ce qui peut se penser. Et dans quelles conditions.

La Manif pour tous a rapté le « pour tous », diabolisé le « genre », s'est approprié la « famille », nous parle désormais de « PMA sans père », et s'emploie à siphonner « l'homophobie ».

Parce qu'elle apparaît moins concrète que des revendications de droits, nous avons collectivement tendance à sous-estimer cette bataille qui est pourtant le cœur de la lutte.

Mais quand nous perdons sur le sens des mots, comment espérons-nous faire comprendre et entendre ce que nous avons à dire ?

2 commentaires:

  1. Et donc vous pensez que cette condamnation sera de nature à faire changer d'opinion les gens de la Manif pour tous ?

    Et si, au contraire, on cessait de tout judiciariser, et on légalisait TOUS les propos, même ceux qui nous chiquent (homophobie, antisémitisme, islamophobie, négrophobie, christianophobie etc ...) ?

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  2. Cette décision de justice est un retour de boomerang de la loi qui interdit l’incitation à la discrimination, la haine, la violence contre les personnes en raison de leur sexe, orientation sexuelle, ou leur handicap. Ces lois, en judiciarisant des propos tenus en public, légitiment les mis en cause à se défendre devant un tribunal, et à attaquer en diffamation le cas échéant.
    C'est dire l'échec de ces lois scélérates contre la liberté d'expression qui, en pensant réprimer des idées, interdisent les mots.
    Civitas a parfaitement intégré la leçon, et a adapté son discours à la loi. Idem au FN, où les idées antisémites et racistes font toujour florès, mais où, publiquement, plus un mot ne dépasse.

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