On peut considérer comme un
progrès l’énergie avec laquelle une grande majorité des opposants à l’ouverture
du mariage aux couples de même sexe tiennent à se défendre de toute homophobie.
Évidemment, ce positionnement
doit beaucoup à la pénalisation de l’homophobie, mais il tient surtout à mon
sens, à deux dynamiques.
L’une relève de l’impensé,
l’autre de la construction politique. Et les deux ne sont pas sans se répondre.
On n’est pas homophobe, comme on
n’est pas raciste ou sexiste ! Le processus tient de la difficulté à
appréhender les mécanismes d’invisibilisation des rapports sociaux de classe,
de sexe ou de genre et d’assignation à des rôles. Cette invisibilité des
systèmes de domination et de la violence de l’organisation sociale conduit tout
un chacun, qu’il en soit victime ou bénéficiaire, à les nier ou les minorer et
à renvoyer au privé ou aux choix individuels ce qui relève en fait de la
construction idéologique.
Le second processus, lui est
politiquement organisé et consciemment exploité. Il relève de la volonté de
refuser la remise en question de l’ordre établi et de consolider les positions
hégémoniques des classes dominantes.
Quelle meilleure façon de
protéger son pouvoir qu’en neutralisant les outils de ses opposants ?
Une partie importante du travail
des militants homosexuels avait constitué à rendre visible ces rapports de
domination et à les rendre socialement condamnables.
Il fallait donc pour ceux qui
s’opposent à ces changements, dans un rapport de force qui ne leur était plus
favorable, travailler à rendre inopérante la condamnation avant d’espérer
inverser ce rapport de force.
Dès lors, la stratégie mise en
place par Barjot et ses alliés est simple : feindre l’adhésion au principe
mais contester son champ d’application.
Ici interviennent la nature et le
bon sens. Qui n’auraient pas à être pensé pour s’imposer. Et ne pourraient donc
être contesté.
Façon de soutenir ne pas se
situer dans l’idéologie mais d’y renvoyer son opposant, aussitôt soupçonnable
d’arrière-pensées, de calculs politiques et de velléités manipulatrices.
Une stratégie discursive bien
comprise par l’extrême droite qui l’utilise depuis des années afin d’imposer
peu à peu ses valeurs en prisme dominant.
Les forces réactionnaires se
coalisent et dans le même temps, s’efforcent de diviser les minorités et
d’empêcher l’articulation de leurs luttes.
Ne nous laissons pas abuser par
les prétendues dissensions qui opposeraient les homophobes modérés et leurs acolytes
radicaux. Ils ne font que se partager le travail.
Ainsi aujourd’hui, se démarquer
des expressions les plus évidentes de l’homophobie (Civitas et le Printemps
français faisant office d’idiots utiles – mais pas pour autant inoffensifs)
permet de prétendre la circonscrire, pour mieux en nier les manifestations
structurelles et institutionnelles.
Il n’y aurait d’homophobie que
brutale. Et tout ce qui n’emprunterait pas à ce registre de la crudité n’en
serait donc pas.
Voilà comment d’une pirouette,
les opposants à l’extension du droit au mariage, tout en feignant de
s’offusquer, ont redonné une légitimité à l’expression polie de l’homophobie.
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