Non, Madame
Taubira, l’avis de la cour de cassation établissant que « le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme
d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas
obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de
cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont
réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. » ne mettra
pas « fin à plusieurs mois d’insécurité juridique pour les familles
homoparentales » comme
le prétend votre communiqué de presse[1]
de ce jour.
Il
va permettre aux couples de femmes mariées, qui se sont vues contraintes de
devoir en passer par le mariage et des procédures d’adoption pour voir
reconnaître juridiquement les liens de parenté qui les unissent à leurs
enfants, de ne pas se voir opposer par des juges une prétendue fraude à la loi.
Et c’est une excellente nouvelle.
Mais
ce sont donc DES (et non les) familles homoparentales qui voient aujourd’hui le
parcours juridique que vous avez décidé de leur imposer s’éclaircir. Il n’en
demeure pas moins que la reconnaissance d’une
double filiation des enfants de ces familles est toujours soumise à des
procédures (qui ont un coût psychologique, social et financier) et des
décisions de justice, quand les couples hétérosexuels (et ce quel que soit leur
statut conjugal) ayant recours aux mêmes pratiques de conception se voient
réservés le droit d’établir leurs liens de filiation par simple déclaration.
Aussi les enfants selon que leurs parents sont hétérosexuels ou homosexuels
continuent de ne pas bénéficier des mêmes droits.
En outre, si cette possibilité d’adoption par le conjoint
ouverte par la loi du 17 mai
2013 est un progrès, elle n’est pas équivalente à la sécurisation que vous
évoquez, Madame la garde des Sceaux. En effet,
quelle sécurité offrez-vous à un enfant dont la mère biologique décéderait dans
le laps de temps qui court entre sa naissance et le terme de la procédure
d’adoption ?
D’autre part, les familles homoparentales sont diverses et en
liant la protection des enfants au mariage et uniquement à celui-ci, vous avez
écarté de cette sécurité juridique les enfants dont les parents ne se
conforment pas au seul modèle (le couple marié) que vous avez estimé pouvoir
bénéficier d’une possibilité de reconnaissance.
Ainsi
qu’en est-il, par exemple, des droits des enfants dont les deux mères sont
aujourd’hui séparées et qui bien évidemment ne sont pas en situation d’en
recourir au mariage. Ou de ceux, dont les parents relèvent des onze
nationalités toujours exclues du mariage pour tous ?
Alors
si les avis de la cour de cassation représentent un indéniable soulagement pour
de nombreuses familles, nous n’oublions pas que ces avis ont été rendus
nécessaires par les insuffisances et incohérences
de vos choix gouvernementaux.
En liant reconnaissance de la filiation et mariage, en évacuant la question de la PMA et en refusant d’en ouvrir l’accès sur le territoire
national à toutes les femmes, le gouvernement a choisi d’entretenir les
préjugés et l’idée que certaines formes de familles mériteraient plus
d’attention que d’autres.
Alors la satisfaction que nous tirons de la décision de la cour
de cassation ne saurait masquer que les dispositifs que vous avez mis en place
institutionnalisent toujours une inégalité juridique entre les enfants au
prétexte de l’orientation sexuelle de leurs parents et/ou de leur vie
conjugale.
[1] http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-10095/archives-des-communiques-de-2014-12598/pma-realisee-a-letranger-27509.html