mercredi 10 avril 2013

Homophobie : le bon, la brute et le truand




On peut considérer comme un progrès l’énergie avec laquelle une grande majorité des opposants à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe tiennent à se défendre de toute homophobie.

Évidemment, ce positionnement doit beaucoup à la pénalisation de l’homophobie, mais il tient surtout à mon sens, à deux dynamiques.
L’une relève de l’impensé, l’autre de la construction politique. Et les deux ne sont pas sans se répondre.

On n’est pas homophobe, comme on n’est pas raciste ou sexiste ! Le processus tient de la difficulté à appréhender les mécanismes d’invisibilisation des rapports sociaux de classe, de sexe ou de genre et d’assignation à des rôles. Cette invisibilité des systèmes de domination et de la violence de l’organisation sociale conduit tout un chacun, qu’il en soit victime ou bénéficiaire, à les nier ou les minorer et à renvoyer au privé ou aux choix individuels ce qui relève en fait de la construction idéologique.


Le second processus, lui est politiquement organisé et consciemment exploité. Il relève de la volonté de refuser la remise en question de l’ordre établi et de consolider les positions hégémoniques des classes dominantes.

Quelle meilleure façon de protéger son pouvoir qu’en neutralisant les outils de ses opposants ?

Une partie importante du travail des militants homosexuels avait constitué à rendre visible ces rapports de domination et à les rendre socialement condamnables.

Il fallait donc pour ceux qui s’opposent à ces changements, dans un rapport de force qui ne leur était plus favorable, travailler à rendre inopérante la condamnation avant d’espérer inverser ce rapport de force.

Dès lors, la stratégie mise en place par Barjot et ses alliés est simple : feindre l’adhésion au principe mais contester son champ d’application.

Ici interviennent la nature et le bon sens. Qui n’auraient pas à être pensé pour s’imposer. Et ne pourraient donc être contesté.

Façon de soutenir ne pas se situer dans l’idéologie mais d’y renvoyer son opposant, aussitôt soupçonnable d’arrière-pensées, de calculs politiques et de velléités manipulatrices.

Une stratégie discursive bien comprise par l’extrême droite qui l’utilise depuis des années afin d’imposer peu à peu ses valeurs en prisme dominant.

Les forces réactionnaires se coalisent et dans le même temps, s’efforcent de diviser les minorités et d’empêcher l’articulation de leurs luttes.

Ne nous laissons pas abuser par les prétendues dissensions qui opposeraient les homophobes modérés et leurs acolytes radicaux. Ils ne font que se partager le travail.

Ainsi aujourd’hui, se démarquer des expressions les plus évidentes de l’homophobie (Civitas et le Printemps français faisant office d’idiots utiles – mais pas pour autant inoffensifs) permet de prétendre la circonscrire, pour mieux en nier les manifestations structurelles et institutionnelles.

Il n’y aurait d’homophobie que brutale. Et tout ce qui n’emprunterait pas à ce registre de la crudité n’en serait donc pas.

Voilà comment d’une pirouette, les opposants à l’extension du droit au mariage, tout en feignant de s’offusquer, ont redonné une légitimité à l’expression polie de l’homophobie.

mercredi 3 avril 2013

Coming in : la politique des garçons très discrets




Où sont passés les représentants du mouvement gay ? Pour quel mouvement d’ailleurs ? Quelle action ? Quelle parole ? Quelle dynamique ? Quelle présence ?

Tandis que le long processus d’adoption du mariage des couples de même sexe ressemble de plus en plus à un jour sans fin cauchemardesque, gays et lesbiennes subissent de plein fouet la violence du débat sans même le filtre du support communautaire. Chacun et chacune livré(e) à sa propre capacité à encaisser, à riposter ou à la solitude.

Individuellement ou par petits groupes, sur les réseaux sociaux, les uns et les autres se mobilisent, tentent de s’organiser et fort heureusement de nouvelles solidarités s’inventent. La base s’active, échange, riposte. Fait preuve d’inventivité. De ressources individuelles inestimables.

Dispersée cependant, elle peine à exister face à une opposition restreinte mais dangereusement structurée. Disposant de moyens considérables, celle-ci occupe tous les terrains : les media, la rue, les murs. Allant jusqu’à emprunter au mouvement gay ses modes d’actions.

Face à cette omniprésente visibilité, cet activisme de tous les instants, que nous répond l’Inter LGBT ? Elle refuse l’instrumentalisation du débat, exprime son malaise (son impuissance, son incompétence ?) et prépare la gay pride ! d’ici là, débrouillez-vous !

Non contente de s’être laissée enfermer dans une stratégie monolithique et minimaliste (un objectif le droit de la famille, un champ d’action le législatif, un leitmotiv l’égalité), elle ne parvient pas à imposer sa parole, ni même un agenda et renvoie les gays à l’invisible du silence.

Pire, elle se voit contrainte de revoir ses ambitions à la baisse au gré des frileuses volte-face du gouvernement, mais n’en continue pas moins de s’enferrer, comme si de rien n’était, dans sa politique pusillanime.

L’Inter LGBT semble se satisfaire à demi mot de l’adoption d’une loi minimale sur le mariage des couples de même sexe. Une loi qui ne respecte même pas les droits des trans. Une loi qui n’ouvrira pas le droit à la PMA pour les couples de lesbiennes. PMA que le Président de la République en personne ne cesse d’essayer d’enterrer.

Ce faisant, il dément de facto toute inscription de la loi sur le mariage dans le principe d’égalité.

Cet échec devrait démontrer à nos associations qu’elles ne peuvent étayer nos luttes sur le seul argument de l’égalité, aussi utile et légitime soit-il.

Alors réaction, colère de l’Inter LGBT ? Non, silence ! Tire-t-elle des enseignements de ces signaux ? Non plus. Tout juste, communique-t-elle d’un faible communiqué de presse, son trouble et sa volonté de pédagogie ou annonce-t-elle, imperturbable, le mot d’ordre de la prochaine marche des fiertés : « LGBT : allons au bout de l’égalité ».

Quand elle devrait être à la pointe de la mobilisation, l’entraîner ou à tout le moins lui donner les moyens de s’exprimer, l’inter LGBT donne de plus en plus l’impression de la suivre, voire de la subir. Comme si elle avait intégré l’idée que le regain d’homophobie et l’abandon de toute autre revendication étaient le prix à payer pour obtenir le mariage.

Elle oublie que sans expression, nous n’existons pas. Et que laisser nos adversaires regagner du terrain dans la bataille idéologique et culturelle pourrait laisser des traces douloureuses mais aussi durables.

Nombre de gays et de lesbiennes ne se battent pour l’ouverture du mariage qu’en raison de la charge symbolique d’une telle loi et par solidarité avec ceux qui en ont besoin pour sécuriser leurs familles.

Or une égalité juridique qui ne serait pas assortie d’un travail sur les mentalités ne profiterait qu’à une minorité de privilégiés. Si ne peuvent se marier que ceux qui n’ont rien à craindre d’une homophobie qui n’a plus de honte à se manifester, est-ce vraiment le mariage pour tous ?