Les
mots justes
Non
seulement les gouvernements Hollande auront-ils sacrifié toute une
partie de nos droits, renoncé à l'émancipation et à l'éducation
populaire, mais ils auront fait reculé la lutte contre l'homophobie,
transformant celle-ci en clause de conscience et (re)fait de nous des
cibles.
Manifester
pour refuser aux homosexuels de bénéficier des mêmes droits que
les hétérosexuels et s'opposer à l'éducation aux stéréotypes de
genre n'est donc pas une manifestation d'hostilité à l'égard des
homosexuels.
En
revanche estimer le contraire est visiblement, pour la cour d'appel
de Paris1,
pas une opinion et ne relève pas de la liberté d'expression, mais
est à l'inverse donc, une manifestation d'hostilité que cette cour
a qualifiée d'injure.
Cette
décision revient à estimer qu'appeler à la discrimination n'est
pas condamnable mais la dénonciation de ce fait, elle, l'est.
La
Manif pour tous a bien compris l'importance de cet enjeu de la
définition de l'homophobie. Dès sa structuration, elle s'est
efforcée de déguiser sous des atours aimables, tout en ballons et
colifichets régressifs, la violence de propos qui ne font
qu'affirmer une hiérarchie des orientations sexuelles. Hiérarchie
qui commençait à devenir socialement et culturellement condamnable.
Cette
bataille est avant tout culturelle et politique, si
ils et elles ne veulent pas qu'on les traite d'homophobes, ce n'est
pas parce qu'ils n'assument pas leur homophobie, c'est parce que dans
le moment politique que nous traversons, il est plus intéressant
d'en restreindre la portée jusqu'à priver le concept de toute
utilité politique.
La
manœuvre fonctionne et la justice, après les politiques et les
médias qui s'étaient vautrés dans ce barnum, emboite le pas. Les
institutions n'ont jamais été nos alliés, et tout changement qui y
est porté, l'est toujours en partie parce que nous les y avons
contraints. Rien ne nous a jamais été donné, tout a été conquis.
Les
plaintes2
de la Manif pour tous sont du même ressort que ses ballons. Il ne
s'agit que d'appliquer à la politique les méthodes de la
prestidigitation. Tu la vois la violence ? Abracadabra,
psalmodions formules incantatoires qui paraissent innocentes, parons
les de couleurs joyeuses, et le tour est joué, la violence,
l'agression, ne seraient pas leur, mais dans le fait de s'y opposer.
Lorsque
le terme homophobie a été forgé, c'était en pleine conscience
qu'il y avait nécessité à nommer les mécanismes d'exclusion. Peu
à peu nous avons, de haute lutte, réussi à l'imposer. Mais au fur
et à mesure qu'il entrait dans le vocabulaire commun, nous avons
perdu de vue que son usage, sa définition, son périmètre dépendent
de rapports de force.
Imposer
ses propres termes n'a rien d'anodin : c'est dicter ce qui est
acceptable et ce qui ne l'est pas. Ce qui peut se penser. Et dans
quelles conditions.
La
Manif pour tous a rapté le « pour tous », diabolisé le
« genre », s'est approprié la « famille »,
nous parle désormais de « PMA sans père », et s'emploie
à siphonner « l'homophobie ».
Parce
qu'elle apparaît moins concrète que des revendications de droits,
nous avons collectivement tendance à sous-estimer cette bataille qui
est pourtant le cœur de la lutte.
Mais
quand nous perdons sur le sens des mots, comment espérons-nous faire
comprendre et entendre ce que nous avons à dire ?
Et donc vous pensez que cette condamnation sera de nature à faire changer d'opinion les gens de la Manif pour tous ?
RépondreSupprimerEt si, au contraire, on cessait de tout judiciariser, et on légalisait TOUS les propos, même ceux qui nous chiquent (homophobie, antisémitisme, islamophobie, négrophobie, christianophobie etc ...) ?
Cette décision de justice est un retour de boomerang de la loi qui interdit l’incitation à la discrimination, la haine, la violence contre les personnes en raison de leur sexe, orientation sexuelle, ou leur handicap. Ces lois, en judiciarisant des propos tenus en public, légitiment les mis en cause à se défendre devant un tribunal, et à attaquer en diffamation le cas échéant.
RépondreSupprimerC'est dire l'échec de ces lois scélérates contre la liberté d'expression qui, en pensant réprimer des idées, interdisent les mots.
Civitas a parfaitement intégré la leçon, et a adapté son discours à la loi. Idem au FN, où les idées antisémites et racistes font toujour florès, mais où, publiquement, plus un mot ne dépasse.