L’allégeance de François Hollande aux politiques de
droite ne se limite pas à ses propositions économiques (assez largement
commentées pour que je ne m’y attarde pas). Sur les questions de société aussi,
le Président de la République donne des gages au conservatisme.
L’habileté du Président consiste à habiller ses choix
de la délicate et si appréciée tournure du consensus. Pour connue qu’elle soit,
la méthode Hollande fonctionne chaque fois que les observateurs lui laissent
endosser les habits de l’homme de la synthèse. Au prétexte du rassemblement, il
incarnerait ainsi la voie de la modération raisonnable.
L’arnaque fonctionne d’autant mieux qu’elle rencontre
une complicité objective des media dont la logique n’est pas très éloignée de
celle du Président : s’attacher un auditoire le plus large possible dans
une France qu’on imagine conservatrice.
L’exercice est simple, on présente l’objectif à
travers des termes positifs, concorde, apaisement, tout en prenant soin au
contraire d’habiller l’alternative d’antonymes suggérant le désordre :
divisions et polémique.
Et pour mieux s’ériger en arbitre, on forge de
fausses équivalences.
Plaçant sur le même plan des actes racistes, illégaux
et d’autres qui ne le sont pas, le blasphème : « s'exhiber dans
une église »[1]. Comme s’il était indifférent de s’en
prendre à des personnes ou de s’attaquer à une institution.
Une demande d’élargissement du droit commun :
l’ouverture du mariage et l’autorisation de s’exonérer du respect de la
loi : la clause de conscience.
Des mouvements revendiquant le droit pour chacun à
disposer de son corps et à décider des conditions de sa propre mort et ceux qui
souhaitent imposer aux autres leur refus de cette liberté.
Quand le gouvernement persiste à prétendre qu’il est
légitime de questionner l’orientation sexuelle des femmes avant de leur
permettre l’accès à la PMA, il ne fait qu’autoriser la discrimination.
Quand il conditionne cette réforme à un futur (et
improbable) apaisement de ceux qui la refusent, il ne travaille pas au
rassemblement mais autorise une faction bruyante à décider en nos lieux et
places de l’organisation de nos modes de vie.
De la même façon, prétendre élaborer un texte sur la
fin de vie « sans polémiques, sans divisions et simplement dans l’idée
qu’un cheminement est possible pour rassembler toute la société »[2] revient à confier à cette même
faction le pouvoir de décider pour l’ensemble de la société de ce qui est
acceptable ou non.
Gageons qu’ils sauront faire fructifier cet
encouragement présidentiel à contrer cette réforme pour la réduire à peau de
chagrin et continuer à imposer en règle universelle leur très catholique morale
personnelle.
Interdire à ses concitoyens de disposer librement de
leurs corps n’a rien de démocratique.
Nous voici, donc, avec un président de
la République qui, d’un ton patelin, défend la discrimination, confond
allègrement légal et illégal et réhabilite avec bonhomie, les forces les plus
obscurantistes et antirépublicaines de la société.
François Hollande réussit la synthèse entre le pire
du système présidentiel : quand un seul homme décide, et celui du système
parlementaire : quand une minorité finit par imposer ses idées à la
majorité. Ni François Mitterrand, ni Jacques Chirac, lors des cohabitations
avec des majorités qui ne leur étaient pas favorables, n’avaient pour autant
renoncé à défendre les valeurs de leurs électorats respectifs.
François Hollande qui lui pourrait s’appuyer sur une
majorité qui détient tous les pouvoirs a non seulement choisi de ne pas
s’opposer à la domination idéologique de la droite, mais il est en train
d’offrir à ses courants les plus violemment réactionnaires un pouvoir que les
urnes leur ont refusé. Ils ne se priveront pas d’en abuser.
A trop miser sur une explosion de l’UMP et un
affrontement binaire qui verrait s’opposer Front National et un PS incarnant
désormais la droite modérée, il pourrait bien n’y avoir que des perdants.
[1]Conférence de
presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014,
http://www.elysee.fr/conference-de-presse-du-president-de-la-republique-confpr-2/
[2]Conférence de
presse du président de la République au Palais de l’Élysée, 14 janvier 2014,
http://www.elysee.fr/declarations/article/ouverture-de-la-conference-de-presse-du-president-de-la-republique-au-palais-de-l-elysee-le-14-janvier-201/
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