La
lecture circonstancielle de l’homélie du cardinal André
Vingt-Trois a conduit à une forme d’unanimité à y entendre un
message d’unité nationale qui s’opposerait aux polémiques et
divisions qui ont caractérisé les jours suivants l’attentat de
Nice.
Une
unanimité que vient à peine entacher les réactions d’internautes,
plutôt liés à la communauté LGBT, soulignant à juste titre
l’instrumentalisation de ces événements par André Vingt-Trois
pour réitérer sa condamnation du Mariage pour tous et réaffirmer
l’homophobie constitutive de ses convictions.
Par
souci d’apaisement nous dit le diocèse de Paris, un tweet qui
mettait en exergue la citation qui focalise le courroux des
internautes a été retiré.
Le
« souci d’apaisement », c’est décidément le
leitmotiv qui caractérise la communication dès qu’il est question
des droits des LGBT. Dès qu’il est question de les exclure
surtout.
Car
le diocèse précise bien que seul le tweet est retiré et que « le
Cardinal André Vingt-Trois ne retire pas une citation de son
homélie. Il assume parfaitement ce passage comme l'intégralité de
ses propos »1.
On
retrouve là, ce même « souci d’apaisement »
superficiel que partage le gouvernement et qui justifie selon lui
l’abandon de l’ouverture de la PMA et des ABCD de l’égalité.
Même
vocabulaire, même discours assumé visant à prétendre que les
droits des minorités seraient facteurs de division, et qu’il y
aurait à y déroger au nom d’un impératif supérieur d’unité.
Voilà
donc la violence enveloppée de prétendus modération, dignité et
sens de la responsabilité. De ce point de vue hiérarques
catholiques et socialistes ont trouvé leur convergence.
On
se rappellera d’ailleurs, que c’était de Rome,
sans hasard aucun, que Manuel Valls s’était adressé aux
catholiques et aux opposants à l’intégration des droits des
homosexuels dans le droit commun pour les assurer de l’opposition
du gouvernement à tout texte d’ouverture de la procréation
médicalement assistée jusqu'à la fin de la législature.
Unanimité
politique, médiatique, religieuse, au nom de la nation.
Au
qui perd gagne, toute une partie de la réaction peut désormais
s’afficher en garante de la cohésion nationale, en autorité
morale responsable. Sans que personne ne s’en offusque.
La
multiplication des attentats, leur diversification, la dérive
sécuritaire, l’implantation durable de l’extrême-droite et les
gesticulations de la droite extrémisée imposent peu à peu leurs
grilles de lecture, au point que, que l’homélie d’un prélat
réactionnaire passe aujourd’hui pour porteuse de valeurs de
rassemblement.
L’espérance
a un visage, nous a-t-il dit, celui du Christ, l’espérance
a un projet, le projet de rassembler l’humanité en un seul peuple
… « Où trouverons-nous la force de faire face aux périls si
nous ne pouvons pas nous appuyer sur l’espérance ? »2
nous interroge-t-il ?
Qu’un
cardinal, fut-il rétrograde, prêche pour sa paroisse, après tout
c’est de bonne guerre, pourrait-on dire, comme s’y laissait aller
ce matin une chroniqueuse politique-télé, mais ici médias et
politiques s’accordent pour lui donner une autre résonance que
confessionnelle et se font les relais de ses ambitions politiques.
En
décidant de passer sous silence la violence des attaques d’André
Vingt-Trois, puis en persistant en dépit de l’homophobie manifeste
de ses propos à présenter son intervention comme porteuse de
valeurs de rassemblement, ils se font les complices placides de
celles-ci.
Voilà
donc le prix idéologique de la gestion politicienne de l’ouverture
du mariage, on peut désormais stigmatiser des « déviances »,
leur attribuer la responsabilité de la dégradation de la société
en haine et violence mais prétendre concourir avec la bénédiction
de la classe médiatico-politique à une unité nationale dont la
condamnation de l’homophobie ne fait pas partie.
Le
cardinal de Paris ne s’y trompe pas. Ni excuses, ni réels regrets.
Un tweet retiré mais des propos assumés et même plutôt élargis
au sein de dénégations de pure forme : "En
aucun cas, il ne voulait cibler une mesure en particulier, surtout
pas le mariage pour les couples homosexuels. Il ciblait plutôt
l'ensemble des évolutions sur la bioéthique, la fin de vie, la
gestation", explique le diocèse de Paris. »3
Une
écoute un peu attentive de l’homélie d’André Vingt-Trois le
confirmera. Les droits LGBT ne sont pas seuls dans le viseur ;
il ne fallait pas être grand clerc pour y entendre, par exemple, les
attaques à peine dissimulées contre l’IVG.
De
la même façon que l’enjeu de la bataille contre le mariage pour
tous dépassait très largement la seule question de l’égalité
des droits. Il s’agissait aussi de priver le gouvernement de toute
légitimité populaire et de celle des urnes, de se projeter
porte-parole d’une prétendue majorité silencieuse et de bloquer
durablement toutes les réformes notamment sociétales qui aurait
demandé détermination et conviction. A trop focaliser, sur la PMA,
on oublie que le droit de vote des étrangers ou le droit de mourir
dans la dignité en ont par exemple tout autant fait les frais.
Cette
ambition retrouvée d’une frange droitière d’imposer à minima
ses limites à toute transformation sociale progressiste de la
société française a besoin d’acolytes. Les médias et le PS en
font office, qui continuent de servir la messe.