jeudi 27 juin 2013

Couples imaginaires, homophobie réelle





Si l'exposition de photographies réalisées par Olivier Ciappa m’intéresse, ce n’est pas tant pour elle-même que par ce qu’elle révèle en creux.

Olivier Ciappa n'est pas un militant. Il le dit lui-même. Mieux, il fait partie des homosexuels qui, jusqu'au mois de novembre dernier, pensait que l'homophobie n'existait plus. Ou seulement de façon résiduelle.

Ces photos sont nées, il l’explique, en réaction aux manifestations d’hostilité à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels.

Et si, pour mener à bien son projet, il s'est adossé à deux associations, Aides et SOS homophobie, cette exposition n'en reste pas moins le fruit d'une initiative individuelle.

Les clichés, dans un second temps, devront être vendus et les sommes récoltées reversées au profit du Refuge, une association qui vient en aide aux jeunes homosexuels rejetés par leurs parents.

S’il me semble important de souligner ces éléments, c’est parce qu’ils permettent de comprendre comment des trajectoires personnelles, au-delà de l’expérience singulière, ont été impactées de façon semblable par l’homophobie ces derniers mois.

Ces quatre points forment un schéma éclairant de la façon dont nombre d’homosexuels à priori non militants ont répondu à l’agressivité qui soudain les atteignait :

- Découverte brutale de la persistance d’une homophobie haineuse dans une frange non négligeable de la société.

- Réaction au travers d’initiatives individuelles, basée sur la créativité et les vecteurs modernes d’expression (photo, graphisme, réseaux sociaux).

- Recours aux associations existantes comme ressources structurelles permettant une mise à disposition au plus grand nombre.

- Soutien accru aux associations assumant concrètement les dégâts consécutifs aux manifestations de l’homophobie.

Si cette dimension individuelle de la réaction s’est avérée si évidente, c’est notamment parce qu’elle est venue occuper un terrain laissé vacant par les structures associatives.

Pourquoi une telle discrétion des associations ?

Pour les unes, leur vocation n’est pas l’intervention dans le débat public. Leur objet relève de la convivialité ou du loisir, et ce sont désormais celles dont les adhérents sont les plus nombreux.

Pour les autres, leurs effectifs ont fondu. Ce d’autant plus sûrement que de nombreux homosexuels partageaient avec Olivier Ciappa l’idée que l’homophobie n’était plus qu’un lointain souvenir.

De ce fait, leurs forces vives, déjà mobilisées sur le terrain quotidien de l’homophobie, ont eu beaucoup de mal à mener de front les deux batailles de la prise en charge concrète et de la réponse idéologique.

Enfin, la délégation depuis des années à une seule grosse structure, de type interassociative (qui par sa nature même a tendance à favoriser l’expression du plus petit dénominateur commun), coincée par sa conception traditionnelle de la politique et sa proximité quasi incestueuse avec le Parti socialiste a, une de fois de plus, montré ses limites.

Mon intérêt pour « les couples imaginaires » ne relève ni de leur aspect artistique, ni de leur caractère singulier mais au contraire de ce que l’objet nous révèle du substrat politique.

A ce titre, la mise en lumière de l’aspect réactif (plutôt que prescriptif) et la forte dimension d’engagement individuel ne sont pas les seules caractéristiques "climatiques" que cette exposition permet de dégager.

En effet, en élaborant son projet, le photographe s’est éloigné de son cliché initial qui le mettait en scène avec son compagnon pour privilégier les représentations de couples imaginaires. Fictifs dit-il. Et de fait, les homosexuels réels n’apparaissent plus qu’à titre d’exception dans cette exposition.

Il est évident que le même regard ne peut pas être porté sur un travail artistique personnel, même s’il se revendique d’une portée politique (Olivier Ciappa entend participer à « apaiser une société en tension avec ses minorités après les débats difficiles »[1]) que celui qui pourrait être posé sur un projet associatif.

Néanmoins, il me paraît significatif, que ce soit à cette expression que les médias aient accordé une exposition conséquente quant ils ignoraient la plupart des autres messages.

Car au-delà du fait qu’ils préfèrent éclairer de leurs projecteurs l’initiative individuelle et artistique plutôt qu’un discours politique supposé rébarbatif, le people plutôt que le militant, il est assez symptomatique que ce soit une représentation fantasmée de l’homosexualité qui ait leur faveur. Comme s'il n’y avait de place sur leurs écrans que pour une homosexualité qui, justement, n’en est pas.

Pourrait-on en déduire que pour bénéficier d’une exposition médiatique, l’homosexualité devait être hétérosexuelle ? On peut se souvenir, dans le même ordre d’idée du succès qu’avait rencontré le baiser de Marseille[2], quand deux jeunes hétérosexuelles, choquées par une manifestation anti-mariage avaient décidé de s’embrasser face aux opposants.

En mettant en scène quasi exclusivement des hétéros solidaires, l’exposition révèle un autre point, l’absence d’investissement dans ce débat des personnalités publiques ouvertement homosexuelles. Presque absentes sur ces clichés, on ne peut pas vraiment retenir qu’elles aient manifesté leur soutien ailleurs ! et les quelques prises de paroles dont on peut se souvenir n’ont pas été d’un engagement remarquable.
Quant à ceux qui espéraient des coming-out, ils en ont été pour leurs illusions.

Le dernier enseignement que je tire de cette exposition ressort au vandalisme qui s’est exercé dès lors qu’elle s’est installée dans la rue.

Je ne reviendrais pas sur la dimension totalitaire de toute destruction et/ou censure d’une œuvre artistique, beaucoup s’en sont déjà chargés.

Les dégradations infligées à ces photographies ont modifié la nature même de l’exposition. C’est ce qu’a bien compris le photographe quand il a pris la décision de ne pas les remplacer mais au contraire de les exposer en l’état accompagnés de nouveaux tirages.

Ceux qui s’en sont pris à ces photos voulaient signifier leur volonté de s’opposer à la possibilité d’afficher des couples homosexuels, même fictifs, dans l’espace public. Ces couples devaient disparaître. Ne pas exister.

Afficher ces clichés lacérés, c’est non seulement refuser cet effacement mais aussi montrer, telles qu’ils les ont exprimées, la volonté de destruction qui anime les homophobes et leur violence.

Durant des mois, il a été répété qu’il n’y avait pas d’homophobie à s’opposer à la reconnaissance égale des couples homosexuels.

Depuis quelques semaines, le président de la République (mais aussi le Premier ministre et son gouvernement) tente de justifier l’enterrement de ses promesses de campagne (ouverture de la PMA aux couples de lesbiennes, droit des trans) au nom de la nécessité d’apaiser les tensions nées de sa gestion du dossier mariage.

Cette volonté d’apaisement, Olivier Ciappa s’est efforcé de lui donner des visages. Les homophobes n’en ont cure.



[2] http://blogs.afp.com/makingof/?post/2012/10/24/Le-baiser-de-Marseille

lundi 17 juin 2013

L’outing, une plaisanterie ?





Mort, sans jamais avoir été pratiqué, voilà qui pourrait être la réalité de l’outing en France.

Depuis le 1er juin (2013), c’est une boutade selon Stéphane Bern, qui a déclaré dans une émission de télé, à propos de Geoffroy Didier, cofondateur à l'UMP du mouvement de la Droite forte, «Tout le monde sait qu'il est homo, mais il dit qu'il est hétéro »[1]. Une affirmation non démentie sur l’instant par l’intéressé qui a préféré s’ériger en victime quelques jours plus tard par tweet interposé.

Mais qu’est-ce que l’outing exactement ? Car selon qu’on invoque sa définition politique, sa dimension juridique, ou le langage commun, l’outing ne recouvre pas exactement les mêmes réalités.

Si on se réfère à la définition la plus large, l’outing serait la révélation par un tiers de l’homosexualité (réelle ou supposée) d’une personne sans son accord préalable. Dans ce cadre, il est susceptible de concerner tout un chacun.

A ce jour, du point de vue juridique, rendre publique l’orientation sexuelle d’une personne sans son autorisation relève d’une atteinte à la vie privée. Et celle-ci est protégée par l'article 9 du code civil[2].

En fait, la plupart du temps, quand on parle d’outing, on fait référence à sa définition politique, et c’est à cet outing-là que je m’intéresserais ici. En commençant par circonscrire de quoi il s’agit : d’un acte politique qui consiste à révéler délibérément l’homosexualité d’une personnalité publique qui par son silence ou par son action fait le jeu de l’homophobie.

Et si on s’en tient strictement à cette définition, il me semble qu’on peut affirmer qu’il n’y a jamais eu d’outing en France.

En effet, si l’association de lutte contre le sida, Act Up-Paris est très souvent associée à cette idée, il est bon de rappeler que contrairement à une idée largement répandue, elle n’est jamais passée à l’acte.

Petit rappel des faits.

En mars 1991, le principe de l’outing est voté et adopté par l’association.

Après la manifestation des anti-Pacs du 31 janvier 1999 lors de laquelle fleurissent des slogans homophobes du type "les pédés au bûcher", Act Up-Paris menace d’outer un député de droite qui y avait participé.

S’en suit un tollé médiatique. Politiques et journalistes sont unanimes pour dénoncer le procédé. Position partagée par une large frange de la communauté gay. On notera cependant que dans le même temps les mêmes cherchent par tous les moyens à décrypter les indices donnés par l’association quant à l’identité du député visé.

Conséquence non négligeable de la menace brandie par Act Up-Paris, la dimension homophobe des manifestations anti-Pacs s’impose enfin sur la place publique et les dérapages sont dénoncés.

Act Up peut dès lors tranquillement renoncer au passage à l’acte (et s’épargner les poursuites judiciaires qui s’en suivraient), l’association a atteint son but sans coup férir.

Pour finir, c’est, le journaliste et essayiste, Guy Birenbaum qui se chargera, en 2003, d’outer Renaud Donnedieu de Vabres dans son livre Nos délits d’initiés. « Ce qui m’intéressait confie-t-il aux Inrockuptibles, c’était d’abord de pointer les contradictions de personnalités publiques entre leur discours et leurs actes au niveau personnel. »[3] Renaud Donnedieu de Vabres n’a jamais porté plainte.

Avec cette publication, Guy Birenbaum rompt le gentleman agrement qui régit les relations internes de la communauté politico-médiatique. Une communauté où les frontières entre vie privée et vie publique sont poreuses mais relèvent de l’entre soi.

Des pratiques qui sont justement à l’origine de ce qui fut appelé l’outing de Jean-Luc Romero.

Si les faits furent condamnés[4] par la 17e chambre civile du tribunal de Paris, dans un jugement qui statuait que « l’orientation sexuelle relève de la sphère privée », les qualifier d’outing me paraît néanmoins politiquement discutable.

Car la mention, en octobre 2000, de l’homosexualité de Jean-Luc Romero au détour d’un édito[5] du journaliste Alain Royer dans le magazine gratuit gay e-m@le ne visait en aucun cas à dénoncer une quelconque homophobie de Jean-Luc Romero et relevait du malentendu. Pas un instant, le journaliste ou sa rédaction n’avaient pensé possible que le conseiller régional d'Ile-de-France ne soit pas encore officiellement sorti du placard. Ce qui n’a pas empêché Romero de porter plainte.

En juillet 2011, c’est au tour de David-Xavier Weiss, secrétaire national de l’UMP d’annoncer qu’il poursuit Le Canard enchaîné[6] pour outing. Mais là encore, si on ne s’en tient qu’à une définition strictement politique, la qualification ne tient pas.

Ni l’homophobie, ni l’homosexualité de David-Xavier Weiss ne sont les véritables sujets de l’article incriminé. L’hebdomadaire qui s’intéresse à Roger Karoutchi rapporte que celui-ci, entendu par la police, dans une affaire de diffamation sur internet liée aux élections régionales de 2010, a dans sa défense, fait référence à son compagnon, David-Xavier Weiss.

Nous en revenons donc à Stéphane Bern. Outing ou pas ? La révélation est délibérée et Bern l’associe immédiatement dans un sourire aux orientations idéologiques défendues par l’homme public Geoffroy Didier : « Je comprends que, vu vos positions politiques, ça peut vous embarrasser ».

S’en suit cependant la semaine suivante, une séquence de rétropédalage. Et Stéphane Bern d’expliquer qu’il ne sait rien de la vie privée de Geoffroy Didier et s’en moque.

« Ce n'est pas de l'outing ! L'outing, c'est de dire un tel est comme ça ! Je me serais bien gardé de parler de la vie privée de Geoffroy Didier ou de Guillaume Peltier, […] Ce n'est pas honnête de faire de l'outing. En revanche, mettre les gens face à leurs contradictions, c'est pas mal »[7]

Volonté de calmer le jeu, d’échapper à des poursuites éventuelles ? Bern patauge, semble revenir sur ses propos mais dans le même temps, s’empresse d’entretenir le doute.

De l’épisode, je retiens quelques éléments.

A l’heure actuelle, Geoffroy Didier a préféré s’en remettre à Twitter plutôt qu’à la justice.

En 2013, on s’émeut moins des affirmations d’un Stéphane Bern qu’en 1999 à l’idée d’un outing potentiel.

Sans doute peut-on minimiser la portée du constat en opposant l’inscription de cet outing dans un mélange tout à fait contemporain de divertissement, de people et de politique.

Objecter que les classes dirigeantes avaient bien plus à craindre de la décision d’une association politiquement structurée d’ajouter désormais l’outing à son arsenal militant plutôt que du mouvement d’humeur d’une personnalité publique.

Certes ; il m’apparaît cependant significatif qu’une telle personnalité choisisse aujourd’hui de révéler publiquement des conversations qui jusque-là ne se partageaient que dans la confidence de ces dîners où politiques, journalistes, hauts fonctionnaires et cadres supérieurs de nos grandes entreprises se rencontrent en toute discrétion. Rompant ainsi précisément un pacte tacite qui veut que ce qui se sait dans ces cercles du pouvoir ne se partage pas au-delà.

Que s’est-il donc passé pour qu’un Stéphane Bern (qui lui-même, il y a quelques années n’hésitait pas à attaquer des média coupables d’avoir évoqué son orientation sexuelle) en arrive à balancer ceux-là même avec qui il dîne ?

La réponse tient sans doute dans les regrets qu’il exprime quant au peu de réactions suscitées par la révélation d’un Jean-François Copé favorable en privé à l’ouverture du mariage homosexuel mais s’agitant publiquement de toutes ses forces pour organiser et incarner l’opposition au texte de loi.

Il semble que les quelques pédés out, pourvus d’une plus ou moins grande audience médiatique, n’étaient pas les plus préparés au déferlement d’homophobie de ces derniers mois. On en prendra pour preuve, les revirements de nombre d’entre eux au sujet du mariage.

Si au mois de novembre, certains pensaient ne pas être concernés par le débat au prétexte que le mariage ne les intéressait pas à titre privé (jugeant pour eux-mêmes la reconnaissance légale superflue), les opposants se sont rapidement chargés de leur rappeler que, de leur côté, ils ne distinguaient pas entre homosexuels aisés ou non, célèbres ou non, avant de leur refuser droit de cité au nom même de leur homosexualité.

Et même si la très grande majorité de la population était et est demeurée favorable à l’ouverture du mariage, le mythe d’une société française non homophobe a violemment volé en éclats. Et sans doute plus violemment encore pour ceux qui souhaitaient se bercer de l’illusion que l’homophobie aurait été le fait de classes sociales populaires ou de populations issues de l’immigration.

Car ce ne sont pas de Barbès ou de Belleville, ni des quartiers ou des banlieues les plus économiquement défavorisées que sont venus les fidèles, roses et bleus, de la manif pour tous, et c’est à Saint Cloud ou Versailles qu’une affiche où deux hommes s’embrassent est censurée.

Confrontés à ce festival au long cours d’expression homophobe, nos people gays ont soudain pris conscience que ces manifestants et leurs soutiens les renvoyaient eux aussi à un statut de seconde zone.

Et voilà notre Stéphane Bern, horrifié par l’hypocrisie de responsables politiques, maniant un outil auparavant honni.

Malheureusement, la situation politique ne l’a pas attendu. La Manif pour tous, ne s’est pas contenté de libérer l’homophobie rampante.

En hissant au rôle de porte-voix, des homosexuels prêts à lutter contre leurs propres droits et se faisant les hérauts d’une hiérarchisation des orientations sexuelles, elle a réussi à désamorcer l’un des ressorts de l’outing : montrer que la violence de la contrainte homophobe est telle qu’elle conduit des homosexuels non seulement à se cacher mais aussi à défendre les idées qui précisément les enferment dans cette dissimulation obligatoire.

Et peu importe que ceux-ci viennent maintenant pleurnicher sur les réseaux sociaux que le monstre qu’ils ont aidé à créer se retourne contre eux.

De la même manière qu’une femme peut défendre des positions sexistes, il n’est plus choquant d’entendre un homosexuel défendre des idées homophobes.

Or une part de l’efficacité de l’outing reposait sur ce principe de rendre visible la contradiction entre l’identité et les pratiques personnelles d’un individu et les idées qu’il prône.

C’est une arme contre le mensonge et l’hypocrisie de privilégiés. Mais voilà, il semble y avoir une exception française ! Dans ce pays, personne ne s’émeut plus des tricheries, des fraudes, du népotisme et autres escroqueries du personnel politique. Il n’y a qu’à faire l’inventaire des élus, pris la main dans le sac et aussitôt réélus. Au moment de voter, l’honnêteté ne vient pas en tête de liste de nos critères de choix.

Pour un temps, la droite réactionnaire fait semblant d’accepter dans ses rangs des homosexuels, tous des hommes soit dit en passant. Comme l’église prétend condamner l’homosexualité mais pas l’homosexuel. A défaut de pouvoir (mais ça vient) revendiquer ouvertement notre disparition, elle entend réinventer une figure homosexuelle qui lui convienne. Son homo affiche les attributs de l’hétérosexualité, voire fait des enfants à une femme comme le suggérait leur égérie et accepte son "infériorité naturelle". S’il reste à cette place, on le tolèrera. Un temps.


L’outing trouve son efficacité en appuyant sur deux ressorts :

- la dénonciation de la contradiction entre comportement privé et morale publique. Or aujourd’hui tout le monde s’en fout !

- le dévoilement par sa propre brutalité de la violence systémique qui mène des individus à se faire les auxiliaires consentants de leur propre aliénation. Or aujourd’hui personne ne s’émeut plus que des homosexuels se fassent ouvertement les défenseurs de l’homophobie.

Alors l’outing est-il impraticable à l’heure actuelle ? Il me semble qu’une des manières de lui redonner une certaine efficacité serait de recourir à l’outing multiple, comme ont pu le pratiquer OutRage ou des militants italiens, c’est-à-dire non pas l'outing d'une personne mais de dix, quinze à la fois afin de se concentrer sur la dimension structurelle d’une homophobie institutionnalisée et la complicité objective de ceux qui par leur silence cautionnent ce fonctionnement.

Mais quels groupes LGBT auraient aujourd’hui la volonté et les ressources de porter une telle action ?

L’ouverture du mariage était censée améliorer la vie des pédés et des gouines dans ce pays, pour le moment les opposants ont perdu la bataille juridique mais ils ont marqué des points dans la bataille idéologique.

Non seulement, ils nous contraignent à défendre des projets minimalistes mais ils nous privent des outils que nous avions inventés pour nous faire entendre.

Si nous voulons peser dans le débat public, y faire vivre nos idées, nous n’avons pas d’autre choix que de nous atteler à renouveler nos modes d’actions. Fêter le mariage à la Gay Pride n’y suffira pas.

A la vitesse où l’expression homophobe regagne sa légitimité, ce n’est plus au sujet de l’outing que nous devrons nous interroger mais à comment faire face à la délation.

Car bientôt, il ne sera plus question de dévoiler l’homosexualité des uns ou des autres pour démontrer combien il est violent que des homos croient encore de leur intérêt de se faire discrets mais pour mieux encore leur nier tout droit à l’existence.



[1] Dans "Salut les Terriens !", de Thierry Ardisson sur Canal+, samedi 1er juin 2013
[2] « Chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
[3] les Inrockuptibles, 15 janvier 2012
[4] Le journaliste et le magazine ont été condamnés à verser à Jean-Luc Romero 3.000 euros de dommages et intérêts.
[5] Edito consacré à la campagne municipale d’un Philippe Seguin tentant de conquérir de Paris, et à sa recherche du candidat idoine pour le 4ème arrondissement.
[6] Le Canard enchaîné, 6 juillet 2011
[7] "C à vous" sur France 5, 5 juin 2013